Bric-à-brac lectures, mars-avril 2023

Ces deux mois-ci, à naviguer entre boulot et choco, j’ai lu:

Le tour d’écrou de Henry James

Première fois que je me frotte à cet auteur. J’ai rarement lu un récit aussi dense proportionnellement à sa taille (relativement court). Dur de t’expliquer sans tout dévoiler. Imagine un manoir anglais (dans les livres, un manoir c’est forcément anglais, tu en conviendras) avec ses habitants classiques: deux enfants orphelins, une gouvernante qui les aime plus que tout, des serviteurs sur lesquels on ne s’attarde guère, une institutrice fraîchement débarquée et un majordome dépravé ayant fait tomber dans le vice l’institutrice précédente. C’est là que les choses se corsent: parce que le majordome et l’ancienne institutrice sont morts et enterrés, mais que les enfants continuent à les voir et à subir leur influence maléfique. La nouvelle préceptrice étant elle aussi capable de « voir ce qui n’est pas », elle tentera tout pour sauver les enfants. Présenté comme ça, tu t’imagines sûrement un récit haletant, à lire dans le noir pour plus de frissons. Sauf qu’à part la tête des deux enfants aux joues rougeaudes et au regard pas franc de la couverture, il n’y a rien de flippant chez Henry James. Lui ne prend cette histoire de fantôme que comme prétexte pour travailler son récit (et le rendre assez exigeant, je ne le nie pas): il joue sur les distances en en disant le moins possible sur ses personnages, en parlant à travers la bouche d’un quasi inconnu (le narrateur avoue qu’il rapporte lui-même un témoignage qui n’est pas de première main), et surtout en laissant toujours flotter le doute sur la certitude des faits. Histoire avérée de revenants ou affabulation d’une personne dérangée? A toi de te faire ton opinion.

Robinson Crusoé de Daniel Defoe

Robinson Crusoé, c’est l’histoire de … non, je rigole je ne vais pas te faire l’affront de t’expliquer l’île déserte, le mec avec la grosse barbe, tout ça. Je vais plutôt te dire que Robinson Crusoé, c’est l’histoire d’un gars chanceux comme pas deux, débrouillard comme trois et qui a le don de toujours prendre les mauvaises décisions (ne lui demande pas de te sortir les numéros du loto. Tu vas perdre). Chanceux d’avoir une petite vie bien tranquille en Angleterre, il se débrouille pour partir sur mer et monte sur le bateau qui va se faire accoster par des pirates. Chanceux d’échapper à la tuerie qui s’ensuit, il se débrouille pour s’échapper de son esclavage forcé et atterrit au Brésil où, avec son flair, il monte une entreprise florissante. Jusqu’à ce qu’il ait la mauvaise idée de se rembarquer pour l’Afrique afin d’aller chercher des esclaves pour sa plantation. De là, tempête, naufrage, tout ce qu’il faut pour rassurer un phobique du voyage en mer. Si l’ensemble n’est pas déplaisant, doublé de la satisfaction de découvrir une histoire que tout le monde connait sans jamais l’avoir lue, j’ai trouvé le style longuet. Parce que la description de la taille de piquets de bois ou la contenance d’un panier tressé (en pouces, en onces et en tout ce que tu veux que je ne me représente pas, avec ma caboche élevée au mètre et au kilogramme), sur 360 pages ça fait long. Mais ça fait aussi partie du jeu, quand tu lis le témoignage d’un homme qui n’a eu que ça à penser pendant 28 ans. A travers le personnage principal qui s’ouvre à la religion et vit son isolement comme une rédemption, j’ai aussi découvert le côté fort prosélyte de l’ouvrage, ce qui m’a laissée tiède. Bref, cette lecture aura été une expérience, je peux à présent me vanter de faire partie des élus à avoir lu l’œuvre, mais l’enthousiasme s’arrête là.

L’ami commun de Charles Dickens

J’ai fait une bourde. Charles et moi on a un rituel: on se donne rendez-vous tous les ans en été, les grosses briques qu’il a écrites me tenant compagnie pendant mes semaines de vacances. Je n’aurais pas dû changer les habitudes. Combiner le quotidien et la poursuite de 1200 pages d’intrigues et de personnages tortueux fut laborieux (et c’est regrettable parce que ce roman est devenu officiellement l’un de mes préférés de l’auteur!). Charles requiert en effet une attention pleine et entière, au point que résumer la trame d’un de ses livres, c’est un peu comme expliquer les couleurs à un aveugle… Mais pour toi, je vais essayer. Mettons que tout tourne autour… d’un cadavre repêché dans la Tamise (ça t’installe l’ambiance dès le premier chapitre). Ce cadavre, il chamboule bien des plans: ceux du père riche et acariâtre dont l’héritage échoit au final à un bon bougre et sa femme, le genre cœur sur la main influençable, ceux d’une jeune femme qui se retrouve veuve avant même d’avoir croisé son mari, ceux d’une jeune fille bien belle bien humble qui espère le meilleur pour son jeune frère tout en fuyant ses prétendants, et ceux de bien d’autres encore (Dickens et les rebondissements en cascade). Le tout au milieu d’une galerie de personnages bigarrés allant d’un vieux juif dont les apparences sont trompeuses au père de famille sympatoche en passant par un unijambiste et une boiteuse, un avocat sans client, un secrétaire un peu trop zélé pour ne pas cacher quelque chose, un couple de nouveaux riches, des escrocs patentés, etc. Tu connais Dickens: à défaut d’une intrigue en ligne droite, on a plutôt ce qui ressemble à un tas de cheveux sortis du siphon d’un lavabo (ne me remercie pas pour cette métaphore pleine de poésie), où tous se croisent et s’entrecroisent. On accroche ou pas, parce que justement il faut s’accrocher pour suivre le rôle de chacun, mais Dickens et moi c’est une histoire d’amour qui dure. J’adore ses gros pavés savoureux qui écorchent la société de l’époque (la fortune qui attire les vautours de cette histoire est issue de la gestion des décharges. Le message est clair), les descriptions « à la Dickens » de ses contemporains (regarde-moi droit dans l’écran et ose me dire que tu n’as pas envie de savoir ce qu’il a à dire sur quelqu’un qui « portait des souliers épais, et des guêtres de cuir épaisses, et des gants épais comme des gants de jardinier. Tant par son vêtement que par sa personne, il était construit à recouvrement comme un rhinocéros, avec des plis aux joues, et au front, et aux paupières, et aux lèvres, et aux oreilles » ou sur une mère qui embrasse sa fille « comme si on lui avait offert une huître »), cette atmosphère d’un Londres où il fait toujours froid et nuit (rien qu’à lire les descriptions de la brume sur la Tamise, on est à deux doigts de l’angine de poitrine) et surtout ses conclusions toujours très satisfaisantes où tout rentre dans l’ordre, qui sonnent comme une récompense au lecteur après avoir subi 1000 pages de malheurs, de misères et d’injustice.

Dix âmes, pas plus de Ragnar Jonasson

« Un super roman policier », qu’ils disaient. Super roman, sans aucun doute. Policier, ça reste à voir. Juge par toi-même: on suit Una, enseignante un peu paumée, un peu alcoolique, un peu sans famille et sans amis, qui décide de partir pour un an enseigner à deux petites filles du hameau de 10 personnes le plus isolé d’Islande. Au moins ça lui fait une raison de se sentir seule au monde, mais passons. Arrivée dans son nouveau lieu de vie, outre l’accueil plutôt tiède en cet hiver glacial, Una se met à faire des cauchemars et à se convaincre que le fantôme d’une fillette vient perturber ses nuits… jusqu’à ce que les habitants lui confirment que sa maison est hantée par une petite fille décédée prématurément sous ce même toit cinquante ans auparavant. Entre des leçons dispensées, des tensions avec les habitants et un achat de vin rouge à la coop du coin, les bribes d’un autre récit viennent s’insérer: celui d’une jeune femme condamnée à tort pour meurtre et qui croupit depuis en prison. Là-dessus, à mi-bouquin, voilà une des deux élèves qui meurt d’un coup. On ne sait pas de quoi, mais les habitants mettent ça sur le compte du pas de bol et passent à autre chose. Alors je te promets: ce livre est bien, arrivé au bout il fait sens, mais je cherche encore l’enquête, surtout dans un hameau où on te rabâche que « ici, pas de policier, on fait les choses à notre façon ».

Une maison de poupée de Henrik Ibsen

Mention honorable. Et décrocher un « honorable » de la part de quelqu’un qui va toujours vers le théâtre à reculons (pourquoi en lis-tu, alors, sans même un prof de français pour te forcer? me demanderas-tu. Ce à quoi je te répondrai: je n’en sais rien), et bien justement, c’est honorable. La poupée dans la maison, c’est Nora, épouse et mère infantilisée, à qui on dit comment s’habiller, à qui on interdit les macarons parce que ça fait bobo les dents, à qui en somme on permet juste de jouer à cache-cache avec ses enfants. Sauf qu’une poupée, c’est un objet sans envie ni désir propre (« Qui te demande si tu veux? Ne suis-je pas ton mari? » Tant de respect et d’amour dans cette unique phrase…) et que Nora veut aussi montrer qu’elle est une personne, qu’elle sait faire les choses, qu’elle a même su sauver la vie de son mari en faisant tout pour le soigner. Tout. Y compris contracter des dettes en secret. La rébellion bouillonne en elle, elle s’affirme et dans le même temps pâtit de l’ignorance dans laquelle on l’a toujours maintenue. Et tout part en cacahuète. Tu l’as compris: la pièce revêt une forte aura féministe, mais plus que le féminisme, je trouve que c’est l’individualisme qui est mis en avant ici. Ibsen réussit le tour de force d’un propos ayant de la profondeur dans une pièce ma foi relativement courte. Une très belle surprise en ce qui me concerne.

Le barbier de Séville de Beaumarchais

Je ne me reconnais plus: après Une maison de poupée d’Ibsen, dont j’étais ressortie en me disant que finalement le théâtre c’est pas si pire, c’est avec le sourire que je clos ma lecture du Barbier de Séville! Molière se serait-il penché au-dessus de mon lit? Toujours est-il que cette histoire de barbier aidant un galant jeune homme fou amoureux d’une femme promise à un vieux jaloux (et dont on ne sait s’ils portent la barbe ou non, vous noterez) était savoureuse! Apprécier une œuvre de théâtre, visiblement je sais faire. En parler comme un érudit est une autre paire de manches. Je laisse donc les spécialistes décortiquer l’œuvre et quant à moi, je résumerais par: si tu aimes le théâtre sans ambitionner une thèse sur le sujet et que tu veux passer un bon moment en compagnie d’un classique du genre, lis le Barbier de Séville, tu ne seras pas déçu.

La ferme des animaux de George Orwell

J’ai retrouvé mon exemplaire après une jachère de 25 ans. Acheté au collège parce que tout le monde en faisait tout un foin (foin-ferme-animaux…), abandonné au quart (j’étais trop jeune, ces animaux anthropomorphes doués de parole ne me parlaient pas, à moi) et gisant sous 18cm de poussière dans un carton mal fermé. Je me suis senti comme un devoir de m’y remettre. J’ai donc découvert avec intérêt que dans le cochon, finalement tout n’est pas si bon. Et que la formule pour devenir un dictateur bien sous tout rapport est aussi facile à suivre qu’une recette de quiche aux lardons. Une belle rencontre avec ce George Orwell, donc, dont j’entends parler depuis…toujours. Justement, je ressors de cette lecture avec un peu d’amertume. Non pas à cause du monsieur ni des qualités indéniables de son livre et de son sujet toujours d’actualité (intemporel, ai-je envie de dire) narré simplement, mais avec justesse et une pointe d’humour. Mais parce que, comme bon nombre de grands classiques, La ferme des animaux pâtit de son succès: ce livre est si connu, si souvent cité, qu’au final je n’ai pas pu jouir de la découverte (tu le connais, ce frétillement à la limite de la jubilation, quand tu te plonges dans un roman dont tu attends avec impatience de voir ce qu’il a à t’offrir?). La ferme des animaux, je l’avais lu avant de l’avoir lu, et ça m’a gâché mon plaisir.

La femme d’un autre et le mari sous le lit de Fédor Dostoïevski

Ma seule expérience avec le monsieur étant ma lecture (fort appréciée) des Frères Karamazov, je peux te dire que le choc fut frontal quand j’ai découvert que Dostoïevski avait le sens de l’humour, car voilà un mari qui copine sans le savoir avec l’amant de sa femme tout en exerçant une surveillance constante sur cette dernière, quitte à se mettre dans des situations rocambolesques, pour ne pas dire ridicules. Lecture sympa, mais de Dostoïevski j’attends plus de profondeur.

Les mystères d’Udolphe d’Ann Radcliffe [abandonné]

Gothique. Très gothique. Du pur gothique. Une jeune héroïne innocente marquée du fameux « double M » (Misère et Malheur) qui s’exprime par soupirs et évanouissements. Un jeune homme bien sous tous rapports, beau comme un dieu, fort épris, mais désargenté. Des parents décédés en vrac. Des amours contrariées. Une vilaine tata mauvaise fée. Un gars louche sous son vernis aristocratique. Un assassin, pour faire bien. Et bien sûr: LE château. Sinistre. Isolé. Plein d’esprits (ou de courants d’air, selon si tu es superstitieux ou pas). J’ai fini par abandonner à la moitié (sachant qu’il y a 4 volumes, mon effort est méritoire): trop de longueurs, trop de répliques commençant par « ô » (il est vrai que le gothique aime la lamentation), pas assez d’empathie pour l’héroïne à qui il arrive un malheur toutes les trois pages. On se surprend à parier avec soi-même sur la suite des événements (et si tu es familier du genre, tu auras toujours tout bon. Ca booste l’ego, mais ça perd en intérêt de lecture). Peut-être m’y remettrai-je un jour, peut-être pas.

That’s all Folks!

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Bric-à-brac lectures, février 2023

A peine 28 jours, et pourtant que de belles découvertes, car j’ai lu:

L’île de Robert Merle

Attention coup de coeur. Quelle lecture! Quel auteur! Quelle histoire! Inspiré des célèbres révoltés du Bounty et de leur fin tragique, Robert Merle s’est plu à imaginer la vie sur une île lointaine et isolée, entre mutins britanniques et Tahitiens aventureux. Une véritable leçon de vie que cette communauté tiraillée entre deux cultures et deux sexes qui ne se comprennent pas, avec en trait d’union « Adamo » Purcell, lieutenant anglais aux belles valeurs de tolérance et de respect. Dans ce roman comme dans la vraie vie, l’humain est incorrigible, l’humain se méfie de ce qui est différent, l’humain ne cherche pas à comprendre l’autre, l’humain se fait la guerre, l’humain œuvre à sa propre perte. A mi-chemin entre anthropologie et visée politique, ce n’est pas tant un quelconque suspense ou une empathie accrue envers les personnages qui te fera engloutir ces 700 pages. C’est l’énergie qui s’en dégage, c’est l’écriture de Robert Merle qui dit le vrai. Parce qu’on a beau suivre des matelots mal dégrossis et portés sur le fusil, un pauvre diable qui empire les choses à force de vouloir les arranger et des vahinés exotiques qui en ont plus que l’on croit dans la cervelle, c’est un peu de nous qu’on lit dans ce livre. Deuxième roman après La mort est mon métier que je lis de Robert Merle, j’apprécie décidément beaucoup l’intelligence de son écriture.

Maîtres d’école, journal d’une famille d’instituteurs 1768-1885 de Pierre Maréchal (entre autres)

Une ode à la vocation, ce recueil de témoignages d’instituteurs ayant exercé depuis 1768 est une ode à la vocation. L’histoire de cet ouvrage (qualifié sans exagération de « trésor » sur la 4e de couverture) est elle-même bien singulière: démarré avant la Révolution française, ce qui était à l’époque un journal de bord a été transmis jusqu’à la fin du XIXe siècle d’oncle à neveu, de père en fils, de beau-père à gendre… tous instituteurs ruraux aimant leur métier plus que tout. Ce livre offre une vue de l’intérieur d’un des métiers les plus importants au monde. Hier comme aujourd’hui, force est de constater que la transmission du savoir n’est pas chose aisée: incursion du clergé dans la vie scolaire, classes surchargées, programmes toujours en évolution, bâtiments inadaptés, statut de l’enseignant mal reconnu. Chaque témoin pointe avec humilité les difficultés et autres incohérences du métier, mais tous le vivent comme une fierté et espèrent que leur lignée ne s’éteindra pas. Compilé par un descendant, cet ouvrage permet aussi de découvrir la grande Histoire à travers les yeux de la petite: on y croise Mesmer, le paratonnerre, le vaccin contre la variole, le début de la laïcité, de l’école obligatoire et bien sûr les révolutions et changements de régime successifs qui ont marqué la France. Des témoignages édifiants et pleins de tendresse pour une profession malmenée.

Yardam d’Aurélie Wellenstein

Bienvenue à Yardam, ville en quarantaine. Voleurs d’âme voués à la folie, coquilles vides ou épargnés organisant une chasse aux sorcières, choisis ton camp! Tu l’as compris, Yardam ne figure pas sur la liste des destinations Club Med. Ce roman est si sombre et en même temps si rythmé. Ne te laisse pas avoir par le début: tu crois que tu vas lire l’aventure d’un pauvre malade débrouillard qui va s’associer à un couple de médecins venus sauver le monde, mais nan nan nan: Aurélie Wellenstein va te surprendre! J’aime les univers imaginaires bourrés de détails qui le rendent réaliste et les personnages fouillés, et à ce niveau l’autrice s’est creusé les méninges, rien à redire. J’ai aussi adoré l’aspect noir, lourd, malsain de cet anti-héros impulsif difficilement pardonnable, qui fait plus de mal que de bien dans ce monde oppressant, corrompu, misérable. C’est rare de tomber sur une histoire où l’espoir ne représente même pas une étincelle et qui pourtant ne te fait pas sombrer dans la dépression.

Pot-Bouille d’Émile Zola

Toi aussi, en lisant le titre, tu t’attendais à ce que le personnage principal soit un jeune homme rougeaud à la bonne bouille de poupon ? (Les méandres de ma cervelle sont impénétrables.) A défaut de gros bébé niais, on a Octave, un jeune provincial naïf qui fait ses débuts à Paris (et qui ne sera plus si naïf à la tête du Bonheur des Dames, dans le tome suivant. J’ai triché, je l’ai déjà lu). Le jeune homme entre en scène dans un immeuble dont il est locataire et où l’on suit la vie des différents occupants sur deux ans. « Entrer en scène » est bien le terme, tant ce pot-bouille est digne du meilleur vaudeville. Sous un fin vernis de « bien comme il faut » propre à la bourgeoisie dont se targuent les locataires, ça trompe, ça couche, ça manipule, ça hypocrisie à tout-va. Les femmes mal mariées écartent les cuisses comme ça, pour passer le temps, les hommes s’outrent de l’adultère avant de rejoindre leur maîtresse, et tous s’agacent des mœurs fâcheuses de leurs domestiques (tu sais, ces filles qu’on engrosse puis qu’on jette à la rue parce que ce n’est pas convenable, une mère-fille), reflets de leur propre manière de vivre. Les calculs vont bon train pour grimper l’échelle sociale, on cherche à épouser un bon parti, on ment au besoin sur la dot, on parle gros sous sans jamais vouloir dépenser un centime. C’est truculent. Mais au-delà de l’aspect comique, parce que Zola c’est un sérieux, on devine surtout sa critique de l’éducation des filles, celles qui trinquent toujours à la fin, que l’on garde la tête vide et que l’on pousse presque à la prostitution pour peu qu’elles puissent ramener un époux ayant le sou et la position sociale. L’amour, on repassera, et tant pis si les couples malheureux vont chacun voir ailleurs. Un des meilleurs tomes de la série que j’ai lus depuis le début. 

C’était la bête d’Alexandre Allamanche

Ahouuuuuu! Ne va pas te promener dans les bois car le loup (mais est-ce un loup?!) y est! Reste plutôt chez toi et lis ce livre. Après Le treizième empereur qui retraçait avec brio le parcours de Trajan, Alexandre Allamanche prouve qu’il n’a pas froid aux yeux en s’attaquant à la fameuse bête du Gévaudan. Pour ceux qui ont grandi dans une grotte, je rappelle qu’il s’agit d’un fait divers avéré concernant une bête à l’origine de nombreuses attaques de personnes au XVIIIe siècle. Je te le dis tout de suite: à l’instar du loup, tu vas le dévorer. Toujours un travail impeccable de recherches historiques en amont de la part de l’auteur, qui me fait dire que l’histoire sent presque le vécu (pourtant non: j’ai vérifié, le monsieur n’est pas bicentenaire). Impeccable également: sa plume fluide et précise qui sait te rendre sympathique le héros (au(x) doux prénom(s) follement désuet(s) de Lucien/Ferdinand) et te faire parcourir un frisson le long de l’échine à peu près toutes les cinq minutes de lecture (c’est qu’il sait y faire, l’auteur, dans les descriptions d’attaques et de victimes: décrire du boyau à l’air est à la portée de tout le monde, mais lui a compris que trop en montrer ôte toute frousse, il sait provoquer l’horreur et la pitié en quelques phrases sobres et bien tournées, ce qui est un exercice bien plus difficile). La Bête est aussi dure à mettre en cage que ce roman ne l’est à être classifié, oscillant entre le roman historique grâce à tous ces détails distillés sur la vie quotidienne dans les campagnes françaises du XVIIIe et intrigue policière avec son protagoniste cherchant à démêler le mystère (si tu devines le dénouement avant la fin, tu es un mage noir, il n’y a pas d’autre solution). Tu saupoudres avec une pointe d’épouvante dans un Gévaudan couvert de forêts et de brume des longs hivers, et tu te retrouves à avaler 500 pages en trois jours sans une once d’indigestion (oui parce qu’en plus il n’y aucune longueur. Énigmes, découvertes, rebondissements, révélations, fausses pistes, bâtons dans les roues, ça s’enchaîne sans aucun temps mort). J’ai ouï-dire que ce livre a remporté le Prix du Livre d’Enedis  … A quand le Goncourt des lycéens?

Le mystère Jérôme Bosch de Peter Dempf

Exemple typique du mieux qui est l’ennemi du bien. Si seulement l’auteur s’était contenté de faire revivre son lecteur dans les Flandres du XVIe siècle au côté de son protagoniste, apprenti peintre chez un maître de talent, membre d’une confrérie secrète à l’idéologie religieuse controversée, pour ne pas dire hérétique. On aurait eu là un bon roman historique, qui rend parfaitement bien le quotidien des artistes de l’époque et l’atmosphère de terreur et de suspicion causée par l’inquisition, auréolé d’ésotérisme et de féminisme avant l’heure. Pourquoi, mais pourquoi l’auteur s’est-il senti obligé de surfer sur la vague du Da vinci Code en entremêlant une espèce de pseudo-enquête qui traine en longueur et sans intérêt, mettant en scène un restaurateur d’art qui pense avec sa braguette (et qui visiblement n’écoutait pas en classe: depuis quand un restaurateur en sait si peu sur l’Histoire de l’art?) et une psychologue tout seins en avant (le féminisme en prend un coup)?! Si tu viens pour en découvrir plus sur l’œuvre de Jérôme Bosch, tourne-toi vers un livre scientifique. Si tu viens pour passer un bon moment de lecture enrichissant, focalise-toi sur les péripéties de Petronius et zappe la confrontation hormonale de Grit et Michael.

Histoires à lire toutes portes closes de plein de monde mais pas Hitchcock

Ouh le beau coup marketing, avec Hitchcock écrit en plus gros que le livre sur la couverture! Sauf qu’en regardant de plus près: nan, ce n’est pas lui qui est à l’origine de ces nouvelles (à lire toute portes closes, donc. Parce que les courants d’air, ça pourrait te faire croire que les fantômes du livre en sont sortis. Brrrrr), il s’agit d’une sélection d’histoires qui lui ont plu (parait-il). Je n’aime pas trop être prise pour un pigeon (rourou) donc ça partait mal, mais au final la lecture a été agréable, il y en a pour tous les goûts. Un listing? Un vol bien orchestré, de glauques funérailles vengeresses, des pensionnaires d’hôtel cinglés, le pire des road trips, un hiver plus que rude, un meurtre macabre, un mélodrame amoureux, une poupée vaudou, un mari pas sympa, un petit-ami encore moins sympa, une histoire de fantômes, le début d’une troisième guerre mondiale, un trajet en train pas banal, un patron louche, un anarchiste timbré, du Roald Dahl, du Isaac Asimov…

That’s all Folks!

Bric-à-brac lectures, Janvier 2023

Pour me remettre des fêtes de fin d’année, j’ai lu:

L’ours, histoire d’un roi déchu de Michel Pastoureau

Dense et exigeant comme tout bon livre scientifique qui se respecte. Mais tellement passionnant! Comme la plupart des lecteurs, j’ai découvert les écrits de cet historien qui sort du cadre à travers ses études de l’évolution des symboliques liées aux différentes couleurs (là encore, passionnant). Ici, il se penche sur la question des bestiaires, et pour peu que tu aies lu le titre, tu as compris que c’est l’ours l’objet de toutes les attentions (en vrai, c’est un piège: le lion ne rode pas loin). 300 pages très fournies sur cet animal passé de demi-dieu à roi des animaux pour finir en peluche sur nos lits d’enfant. L’ouvrage se veut quasi exhaustif, malgré les lacunes que comporte la recherche, faute d’éléments tangibles à se mettre sous la dent d’ours, notamment dans les âges reculés (l’ouvrage s’étend du paléolithique à nos jours). Si tu es comme moi, dégaine crayon et stabilo: ce livre ne sortira pas indemne de ta lecture.

Les nuits de laitue de Barbara Vanessa

Tu vois ce titre sur un rayon de la librairie, alors forcément tu tends le bras pour l’attraper. Ça démarre bon enfant, avec Otto, récemment veuf, le papy aux articulations qui craquent, le bourru qui ne cherche pas à communiquer avec son prochain et qui se fait tant bien que mal au décès de sa femme, une hyperactive dans toute sa splendeur. Otto vit dans un village comme bien d’autres villages, avec ses habitants qui ont tous leurs petites manies: le pharmacien fasciné par les effets secondaires de ses médicaments, la dactylo qui se fait envahir par ses chiens et des cafards, la voisine sourde qui braille pour tout et n’importe quoi, le jeune couple fraichement marié, le facteur qui chante plus qu’il ne distribue le courrier, l’ancien soldat devenu sénile… Un environnement gentillet pour un récit gentillet. Sauf que. Tel un grain de sable dans un engrenage trop parfait, Otto sent que quelque chose cloche, surtout depuis cette fameuse nuit où sa tisane à la laitue (oui, il y avait une explication au titre énigmatique) contre les insomnies, pourtant inefficace d’habitude, l’assomme d’un sommeil curieusement profond. Des regards pas francs, des conversations qui s’arrêtent à son arrivée, un inconnu que personne ne semble remarquer, des mots qu’on laisse malencontreusement échapper (c’est quoi, cet « incident »?). C’est frais comme une salade verte/vinaigre balsamique en été, sympathique et accrocheur sans être un véritable coup de coeur. 

Nana d’Émile Zola

Nana n’est pas une fille de joie. Non non: elle est comédienne, même si son unique talent se résume à apparaitre quasi nue sur une scène de théâtre devant un parterre d’hommes du monde. Être bien tournée, ça mène à tout, surtout à se faire entretenir par les plus grands, les plus puissants, les plus riches. Une « demi-mondaine » ça s’appelle, nettement plus chic que « prostituée ». La jeune fille élevée au bon grain du pavé parisien excelle à ce jeu qu’elle découvre et qu’elle fait cruellement sien au fil des pages pour le plus grand malheur de ces messieurs. Ce livre raconte une étoile filante: Nana, une fille partie de rien qui « réussit » avant de s’écrouler (beau parallèle avec sa propre mère, Gervaise de l’Assommoir, honnête femme qui connut le même destin tragique, comme si Zola suggérait que quel que soit le moyen d’en sortir, la misère vous rattrape toujours). Avec ce livre, Zola condamne la société, la rencontre cachée de deux mondes qui se méprisent tout haut et se fréquentent tout bas: le monde du vice et les hautes sphères. Du collet monté qui se débride quand vient la nuit. Du noir et du blanc dont on ne sait plus qui se soumet à qui, qui se mélangent pour former un gris pas joli. Ce livre est construit tout en échos et en jeux de miroirs: réalité/fiction de la scène, femmes ouvertement débauchées/aristocrates qui recouvrent leurs vices d’un vernis de distinction, etc. Un beau système de valeurs que celui décrit par Zola et sa plume. Même si ses qualités sont évidentes et que je craignais à tort que son succès ne repose que sur le côté sulfureux de son héroïne, ce tome n’est pas mon préféré.

Les couleurs de nos souvenirs de Michel Pastoureau

Avec un titre pareil, l’évocation a joué à plein: je m’imaginais un essai passionnant sur la façon qu’a notre mémoire d’appréhender les couleurs, de trier, de biaiser, de décolorer. En guise de mémoire, je n’ai eu droit qu’à celle de Michel Pastoureau (encore lui, oui: monsieur a sponsorisé mon mois de janvier), historien des couleurs, qui nous retrace sa vie, dans laquelle les couleurs ont toujours joué un rôle. Passées les gouttelettes d’eau froide (je n’irais pas jusqu’à dire que ce fut une douche), j’ai pris plaisir à lire cet ouvrage dans la même veine que Le petit livre des couleurs qui m’avait initiée au domaine du monsieur. Au fil de cette autobiographie chromatique, on picore des petits savoirs sur telle ou telle couleur, sur son histoire, ses usages, ses variations et je me suis régalée. D’autres critiques regrettent le ton « c’était mieux avant » d’un vieux monsieur repensant à son enfance; cela ne m’a pas choquée: j’y ai senti de la nostalgie oui, mais qui n’en a pas quand lui revient en mémoire un souvenir de jeunesse aujourd’hui disparu? Peut-être que les férus des ouvrages de Pastoureau trouveront beaucoup de redites de ce qu’ils ont déjà lu dans ses autres ouvrages. Quant à moi, j’avoue faire partie de ces hooligans qui cornent les pages de leurs livres quand un passage les marque, sur ce point mon exemplaire a souffert. 

En attendant Bojangles d’Olivier Bourdeaut

Dans cette famille, passer l’aspirateur, lire son courrier ou nettoyer le frigo, on ne connait pas: trop trivial. Dans cette famille, on danse, on fait du beau et du drôle, on bannit le triste. Dans cette famille on est fou, mais d’une folie transcendée par l’amour que se portent les uns aux autres. Par l’alternance de la narration naïve du fils, placé en spectateur de l’amour de ses parents et des écrits du père qui sème des indices sur l’envers de ce décor idyllique, c’est avant tout la mère que l’on découvre, femme fantasque (pour ne pas dire folle à lier) qui court au drame. La composition du récit est surprenante, comme en écho au grain de folie de son héroïne, une écriture légère pour une thématique lourde. Doit-on sortir les vuvuzelas pour Olivier Bourdeaut? le monsieur a le mérite de proposer une lecture plaisante et aussi peu banale que ses protagonistes, mais sur 170 pages vite lues, la prouesse a ses limites.

Sourde, muette, aveugle: histoire de ma vie de Helen Keller

Si tu as envie de suivre une leçon de vie sur comment être heureux même dans ton malheur, lis ce livre. Helen Keller est décidément une grande dame, pleine de volonté, de réflexions intelligentes et surtout, surtout, qui ne s’apitoie jamais sur sa surdi-cécité. Heureuse donc de ne pas avoir entre les mains des pages et des pages de pathos larmoyant, mais le récit enthousiaste d’une jeune fille volontaire qui a plus découvert, vécu et fait de rencontres qu’une dizaine d’enfants valides réunis. Jeune fille, en effet, et c’est là le coté frustrant de ce livre, car Helen Keller s’y est prise tôt pour rédiger son autobiographie (23 ans, si je ne m’abuse): j’aurais tellement aimé connaître le reste de son parcours de vie, comment elle a appréhendé les nouveautés de son siècle, etc. Déçue également, dans la première partie du livre, d’en apprendre si peu sur les stratégies mises en place pour telle ou telle activité du quotidien. Une déception comblée en grande partie par les deuxième et troisième parties du livre: sa correspondance écrite, démarrée à l’âge de 7 ans, où l’on suit ses progrès dans l’acquisition de la langue écrite mais aussi sur son quotidien et le développement de ses réflexions, et enfin une longue note qui s’apparente à un descriptif de sa personnalité et de ses méthodes. Helen Keller semble avoir été une personne sympathique, joyeuse et avide de tout, encouragée en cela par sa formidable maitresse, des qualités qui transparaissent dans ce livre et qui donnent du baume au cœur.

Numéro deux de David Foenkinos

Foenkinos, il a sa patte. Et je l’aime bien, sa patte. Harry Potter aussi je l’aime bien. Alors quand les deux se rencontrent, j’attends du grand, du lourd, du mémorable. Ça démarrait bien: je retrouvais cette écriture travaillée mais toujours fluide que j’aime tant, je redécouvrais (voire j’apprenais) des éléments sur la genèse de l’une des plus grandes sagas littéraires jeunesse … et puis il y a eu une césure. Que je t’explique: Foenkinos s’est amusé à inventer la vie du « numéro deux », alias celui qui a failli être choisi pour incarner à l’écran le fameux Harry Potter. Coiffé au poteau par Daniel Radcliffe, le moins que l’on puisse dire est que Martin vit mal cet échec, pour ne pas dire ce rejet. On se met à sa place: bonjour l’amertume de la vie quand à tous les coins de rue, dans toutes les classes et sur toutes les chaînes de télé un livre, un propos, une photo sur un t-shirt te rappellent que tu étais à ça d’être adulé par les foules. Jusque-là, tout allait bien: je prenais plaisir à ma lecture, c’est après que ça capote (comme dirait Truman). Dans l’idée de créer un parallèle entre la vie fictive du jeune Harry Potter et celle réelle (mais qui est fictive aussi, en réalité. Tu suis?) du jeune Martin, l’auteur fait vivre un véritable enfer à son héros: isolement, décès, maltraitance et déception amoureuse l’accompagnent de longues années durant (et même pas deux fidèles acolytes pour lui tapoter l’épaule). Mais ce qui est traité avec délicatesse dans le roman de Rowling, rendant l’ensemble touchant, est simplement survolé par Foenkinos, rendant l’ensemble pathétique. Pourquoi tant d’acharnement? Ce petit gars malchanceux a réussi l’exploit de me toucher en plein cœur tout en m’agaçant à chaque page (j’ose espérer que les déçus des castings de la vraie vie savent mieux rebondir que lui). Sans compter la fin « comme par magie ». Bref, Foenkinos avait de l’idée, il a essayé, mais j’en ressors mitigée, comme un choixpeau hésitant devant la Maison où envoyer Harry.

Mais qui a tué Harry? de Jack Trevor Story

C’est vrai ça: qui a tué Harry, à la fin ?! Mais euh… c’était qui, Harry, au fait? Et comment est-il mort? Autant de questions auxquelles l’auteur répond loin du ton qu’on s’attend à découvrir dans ce genre de roman où un mystère entoure un meurtre. Ici, pas de détective ténébreux au col d’imper relevé, ni d’ambiance « thriller sanguinaire » avec dangereux psychopathe collectionnant des globes oculaires dans un bocal. Plutôt deux pauv’ gars au mauvais endroit au mauvais moment, entourés de gens pour qui tomber sur un cadavre en pleine forêt ne constitue pas le clou de leur journée. C’est plaisant, bien écrit avec beaucoup de petites trouvailles métaphoriques et de tournures bien senties, mais je n’ai pas non plus risqué l’étouffement de rire. L’auteur joue sur le premier degré pour provoquer des situations absurdes, ça fonctionne mais je n’en redemanderai pas.

Mort au couvent d’Oscar de Muriel

Malgré son titre un peu facile et racoleur qui fait craindre le roman de gare sans intérêt misant tout sur le sensationnel sanguinolent, et la (très jolie) couverture, ce roman d’Oscar de Muriel n’est pas mal du tout, dans la veine des enquêtes historiques/intrigues du XVIIe/Columbo des temps passés. J’ai beau ne pas savoir comment dénommer le genre, je n’en reste  pas moins une férue, ce qui explique que j’ai cédé aux sirènes de la Mass critique Babelio pour me procurer ce livre (merci Babelio!). Autant te le dire de suite, Mort au couvent ne détrônera pas le célèbre Nom de la rose sur la première marche du podium (qui a l’érudition, le style, le suspense et la perfection). Je ne dirais pas non plus qu’il égale l’incroyable trilogie de François-Henri Soulié (qui a l’érudition et la plume savoureuse). Mais je n’aurai pas la cruauté de lui décerner la médaille en chocolat (ma préférée, cela dit en passant. Point de vue de gourmande). Non, je placerai ce roman à la 3è place, car le suspense marche à plein (une fois les cent premières pages avalées, ça monte crescendo dans le haletant, avec une fin que je n’avais pas devinée) et qu’il y a un réel souci de vérité historique (le couvent et la protagoniste principale ont réellement existé). C’est la plume, à mes yeux, qui fait défaut. C’est en effet sans charme particulier dans l’écriture (mis à part quantités de termes étrangers – traduits en notes) que l’auteur nous emmène dans un couvent du 17e siècle à Mexico (dépaysement garanti!) où le cœur des nonnes est loin d’être étouffé par la bonté (plutôt par la crainte d’un nouveau meurtre traumatisant). C’est là qu’entrent en scène Alina, jeune aristocrate fraîchement casée entre ces murs par sa grand-mère que ça arrange bien, Matea sa jeune servante indienne, et Juana, poétesse érudite sous son voile.  Pour sûr, on apprend plein de choses sur la vie au couvent, les denrées de l’époque, le quotidien entre esclaves et maitres. Pour sûr, on a envie de savoir qui est le monstre derrière ces ignominies. Pour sûr, on ne s’ennuie pas. Pour sûr aussi, ce roman ne restera pas gravé dans ta mémoire mais malgré tout je ne te dissuaderai pas de le lire. Il la mérite, sa place sur le podium.

That’s all folks !

Bric-à-brac lectures, décembre 2022

En ce mois de cadeaux et de bûches trois chocolats, j’ai lu:

L’assommoir d’Émile Zola

Pas assommant du tout! Les barreaux de l’échelle sociale aident autant à monter qu’à descendre. Malheureuse, abandonnée, sans le sou, avec un prénom de marque de yaourt, Gervaise a de quoi émouvoir son lecteur. On se prend les aléas de la vie avec elle, on la félicite d’être si brave, on est content de son ascension. Et puis on a envie de lui crier de faire attention, de ne pas se laisser aller, on voit la terre qui se rapproche mais elle y va, elle tombe la pauvre Gervaise, et ça fait mal. Parfois je me projette dans le personnage que je lis, parfois je me positionne en observatrice neutre de ses actions, mais Zola est le seul à m’avoir posé son héroïne presque comme une copine, une belle personne imparfaite que j’aimais bien, qui vit sa déchéance la tête haute et me montre les assommoirs de la vie à éviter. Un bout de pain, un toit, un homme qui ne la bat pas et des enfants bien élevés, elle ne demandait pas grand chose à la vie, pourtant, Gervaise.

Le bal des folles de Victoria Mas

Le bal des folles. Les vaches ont le salon de l’agriculture, les mentalement perturbées de la Salpêtrière avaient leur bal, et n’étaient pas traitées différemment des premières: dans les deux cas, du spécimen exposé aux yeux de tous, suscitant curiosité morbide et dégoût d’un monde dont on ne veut pas s’approcher de trop près (faudrait pas se salir les doigts ou l’âme). Je m’interroge. Non pas sur la part de fiction et de réalité, je me doute que l’autrice s’est basée sur du vrai (beaucoup de renvois à Augustine, l’illustre patiente de Charcot) pour imaginer du faux, ce qui n’a rien de dérangeant. C’est l’intention qui me perturbe: où l’autrice voulait-elle en venir? Que dans les mentalités (et de l’époque, et actuelles) un homme pèsera toujours plus que toutes les femmes? Pari réussi. Qu’il est fort pratique d’étiqueter de « folle » une femme qui dérange, même si elle est dans son bon droit? Le passé de certaines des protagonistes le montre suffisamment. Que le monde de la science n’est pas omniscient et qu’il gagnerait à avoir l’esprit moins étriqué? Moui. Mais pourquoi utiliser Eugénie, fil rouge du roman et fille de bonne famille qui voit des morts « pour de vrai » -sujet qui prête déjà à débat- pour appuyer le propos ? J’ai eu l’impression de lire deux livres différents, entre le quotidien d’internées loin d’être toutes des aliénées, presque un documentaire historique, et la vie pas facile d’une spirite que personne ne veut croire, une belle fiction à suspense… Je n’ai malheureusement pas trouvé le mélange très heureux, mais l’impression générale reste positive, pour ce que ce livre m’a appris.

La libraire de la place aux Herbes d’Eric de Kermel

Des phrases qui entremêlent interactions d’une libraire avec ses clients, descriptions de la beauté du monde, vie d’un commerce de livres et réflexions sur la littérature mais pas que. Je n’ai jamais vraiment compris comment prendre ce livre: tranche de vie sympatoche d’une bobo parisienne bien lotie qui peut se permettre de jouer à la marchande et à la psy-de-quoi-je-me-mêle OU prétexte d’un auteur pour fourrer en vrac toutes ses opinions pétries de bonnes intentions (la guerre c’est mal, manger du bio à peine tombé de l’arbre c’est mieux, faut pas être raciste, faut prendre soin de ses vieux, etc.) en cherchant à se montrer profond avec ses citations et références littéraires (je lui pardonne, j’y ai puisé plein d’idées lectures). Si tu choisis la première option, tu passeras un bon moment relax. Moi j’ai basculé vers la seconde. A force de se perdre dans sa quête de beauté poétique des mots et du propos, Eric de Kermel s’est mis à la couture au fil blanc tant il oublie de soigner l’authenticité de ses personnages-qui-prônent-l’authenticité (oh la belle ironie!). Manque de réalisme, romantisation à outrance, caricature. Un roman qui fera très bien sur le comptoir de l’office de tourisme d’Uzès.

Le bureau des affaires occultes d’Eric Fouassier

De l’enquête historique tout droit sortie du moule des enquêtes historiques. Un inspecteur solitaire au passé trouble, un vilain méchant pas beau dur à attraper (comme ça on peut écrire un tome 2), un complot pas joli, des ruelles parisiennes sombres et nauséabondes et la caution féminine bien roulée qui n’a pas froid aux yeux et ne laisse pas le héros insensible. Pour tout te dire, à la moitié du livre j’avais déjà deviné une grosse partie des intrigues. Et pourtant, tu vas tomber de ta chaise d’étonnement, parce que je te conseillerai malgré tout de lire les aventures de Valentin Verne. Parce que le récit est bien rythmé (peut-être même trop, le héros survivant à un traquenard mortel tous les deux chapitres), que le point de départ m’a titillée (des suicides pas bien francs), que le Paris du 19e, entre progrès scientifiques et restes d’archaïsme moyennageux, est très bien rendu, et que la psychologie du personnage principal est plutôt intéressante (je ne m’étale pas pour ne pas spoiler, je suis gentille).

Les survivants de Piers Paul Read

Rappelle-moi de ne plus jamais prendre l’avion. Surtout quand il neige. Surtout au-dessus de la Cordillère des Andes. Parce que moi je n’ai pas l’étoffe d’un rugbyman capable de survivre dans des conditions extrêmes, contrairement aux rescapés d’un crash d’avion survenu en 1972 (dans la vraie vie). Deux mois d’attente des secours, 44 passagers au départ, 16 à l’arrivée, et l’horreur tout du long. Survivre à un crash aérien, ce n’est rien. Encore faut-il survivre après, au sommet d’une chaîne montagneuse enseveli sous la neige, blessures exposées, agonie des autres dans les oreilles et ventre vide depuis des jours. Sur 300 pages, on lit la subsistance, l’instinct de conservation qui revêt un caractère presque mystique et l’inimaginable: le cannibalisme comme moyen de survivre. Le sensationnalisme, ce n’est pas le genre de la maison: ce livre condense les propos des 16 rescapés recueillis par Pier Paul Read, leurs réflexions sur leurs actes, leurs motivations, leurs justifications aussi. Au-delà de la catastrophe en elle-même, c’est l’humain dans toutes ses dimensions qui transparait, du chouineur au brave, de l’égoïste au généreux, du désemparé à l’ingénieux, du défaitiste au guerrier à l’instinct de survie surdéveloppé. Sur ce, je vais lire Tintin, Vol 714 pour Sydney…

Ma voisine est indonésienne d’Emmanuel Lemaire

Mes voisins à moi sont portugais et espagnols. Autant dire qu’Emmanuel Lemaire frappe fort dans l’exotisme avec sa voisine indonésienne. Grande fan des romans graphiques « touristiques » de Guy Delisle, j’avais envie de découvrir ce qu’une femme venue de l’autre côté de la planète pouvait penser de la France. Sans me déplaire, ce livre ne m’a pas non plus complètement conquise. L’auteur part sur 3 axes: ce que pense une Indonésienne de coins de la France où le Français ne songerait jamais à passer sa fin de semaine, ce que l’auteur grapille de détails sur la vie en Indonésie et, dans une moindre mesure, la petite vie de l’auteur-illustrateur. Prises séparément, j’aurais adoré lire sur ces trois thématiques. Alternées dans un unique ouvrage, ça donne une impression de survol et je me retrouve frustrée. Dans l’art du trop/trop peu, l’auteur n’a pas trouvé son équilibre. Dommage.

Blackwater II (la digue), III (la maison), IV (la guerre), V (la fortune) et VI (la pluie) de Michael McDowell

Comment trouver les mots pour te faire plonger tête la première dans l’eau boueuse et bouillonnante de la Perdido avec ta bouée canard? Car pour peu que tu ne sois pas réfractaire aux touches de fantastique teintées de paranormal (mais à très petite dose, juste ce qu’il faut, rassure-toi), tu vas dévorer ces 6 tomes addictifs. Je lis rarement les volumes d’une saga entière les uns à la suite des autres, mais pour Blackwater je les ai engloutis sans souci, aucune indigestion comme un trop-plein de mousse au chocolat à l’horizon. Dans la réalité du livre autant que de mon point de vue de lectrice, aucun des personnages ne s’est jamais soucié de se rendre sympathique, avec leurs trois générations matriarcales de Caskey-castratrices qui se sont fait une spécialité d’écraser tout ce qui a un peu trop de testostérone et qui sont passées maîtresses dans l’art d’échanger leurs enfants comme des cartes pokémon. L’addiction ne viendra donc pas des personnages et de leurs interactions: chez les Caskey, ça nait, ça grandit, ça vieillit et ça meurt pas toujours en paix. Point barre. Non, c’est la plume de l’auteur qui fait tout: fluide et jamais ennuyeuse. Une écriture lisse comme les eaux d’un lac, que de courts paragraphes qui s’immiscent dans le fantastique (quand ce n’est pas carrément de l’horreur voire du gore) viennent perturber avant que le récit ne reprenne son cours tranquille. C’est ça la grande trouvaille de l’auteur: ces passages qui ponctuent cette saga familiale rondement menée, entre liens du sang et luttes intestines du pouvoir, et qui réveillent le lecteur comme un moustique au bord de l’eau. Alors toi aussi va faire trempette, prend juste garde de ne pas te faire mordiller les orteils…

That’s all Folks!

Bric-à-brac lectures, novembre 2022

Entre deux folles courses aux cadeaux de noël (parce que je suis prévoyante, moi, monsieur), j’ai lu:

Les extraordinaires pouvoirs du ventre de Harry Sokol et Judy

Tu es intelligent et tu ne le sais même pas. Car toi, comme moi (et lui, et elle aussi, et eux là-bas…), tu possèdes un second cerveau, juste là, dans ton ventre. Et ce n’est pas de la science-fiction, car le système digestif constitue effectivement un puissant pendant à notre copain du dernier étage, faisant bien plus que simplement digérer ce qu’on avale. Cette BD particulièrement claire et riche d’infos sur le microbiote (non, ce n’est pas un méchant dans Star Wars) est sûrement le seul et unique cours de bio qui n’a pas fait fuir la réfractaire que je suis. La présentation y fait beaucoup: les dessins aidant, on suit les pérégrinations de la bouche à l’anus de deux nano-explorateurs (l’auteur, spécialiste du domaine et l’illustratrice, tout aussi néophyte que moi) dans leur navette intestinale (ok, là c’est de la science-fiction) et c’est parfait pour y comprendre quelque chose, même quand on n’a pas fait médecine.

Noureev, l’insoumis d’Arianne Dollfus

Une bien belle bio sur un monsieur que je connaissais sans vraiment le connaître, pas tant parce que je n’ai jamais fait de pique-nique avec lui que parce que, n’ayant jamais été une de ces petites filles qui rêvent de tutu et de pointes en ballerines, le monde de la danse m’est assez hermétique. « Noureev », c’est donc le genre de nom que dans toute ma splendeur de néophyte, j’aurais tendance à sortir pour faire croire que je m’y connais, alors que ça souligne d’autant plus mon manque de culture sur le sujet. Pourtant ce livre, à la prose très claire, ne m’a jamais perdue. Même, il m’en a appris des tonnes. Colérique et explosif pour certains, taciturne et silencieux pour d’autres, moi j’ai découvert un homme qui dansait après le temps, toujours dans l’urgence de faire carrière avant d’être trop vieux, de moderniser les ballets avant qu’ils ne tombent dans l’oubli, de courir partout pour tout saisir du monde et de l’art avant que ce ne soit plus à l’affiche. Finalement, le temps ne s’arrêtait pour Noureev que sur scène. Mais au-delà du personnage, c’est l’univers de la danse, les carrières des plus grands, le quotidien des danseurs que l’on découvre, tout un monde insoupçonné fait de déplacements continuels, de répétitions en urgence, de conflits internes, d’egos surdimensionnés et de personnalités hors normes. Hors normes, comme la personnalité complexe de Noureev, que j’ai aimé découvrir et que j’aurais probablement détesté rencontrer.

Hors-piste d’Allie Reynolds

Un des petits plaisirs de la vie, c’est de lire un roman qui met en scène des personnages évoluant dans la neige et le blizzard bien au chaud à côté de son radiateur. Les personnages de ce livre étant des snowboarders enragés, on pourrait se dire que tout le monde y trouve son compte. Pas vraiment (enfin: moi, oui). Car ces sportifs de compèt’ mi-amis-mi-rivaux se retrouvent dans un refuge de très haute montagne totalement vide. Dix ans après un terrible drame. Accusés d’en être les auteurs, persécutés par la présence d’un.e inconnu.e qui se cache dans les recoins, ils n’auront de cesse de s’échapper, perdus dans les flashbacks incessants qui entourent ledit drame. Du feu sur la glace, ce roman! Avec ce livre haletant, très rythmé, bien construit, au dénouement pas banal (et puis si tu aimes les histoires de coucheries, tu seras servi) Allie Reynolds, elle-même ancienne championne de snowboard qui sait de quoi elle parle, a ajouté une nouvelle corde à son arc.

Une page d’amour d’Émile Zola

Zola, c’est un grand sensible. Après avoir écrit les malheurs de Gervaise et avant d’écrire les malheurs de Nana, il a eu envie d’un peu de douceur. Alors est né Une page d’amour, parenthèse romantique d’une femme bien sous tous rapports qui s’amourache d’un docteur comme il faut. Ennuyeuse, la page d’amour? Que nenni, car il y a de l’obstacle (une épouse, une fille à la santé fragile mi-tyrannique, mi-possessive, un curé plein de bonnes intentions, un bon gars qui attend son heure), de l’obstacle infranchissable même, car la page finit par se tourner. D’emblée, Zola explique qu’il envisageait ce livre comme une parenthèse, qui doit se refermer, un souffle de folie amoureuse dans la vie d’une femme rangée, qui finit par s’évanouir. Sauf que quand c’est Zola qui est à la plume, la bête montée d’hormones se fait poésie, aidée en cela par les descriptions d’un Paris qui reflète chaque état d’âme et devient un personnage à part entière, un témoin muet qui regarde par la fenêtre les tourments d’une femme en plein émoi. Peut-être pas le plus marquant de la saga, mais très intéressant dans la manière qu’a eue l’auteur de décortiquer les processus amoureux.

Petit pays de Gaël Faye

Typiquement le genre de livre que j’ouvre avec un sourcil suspicieux (ultra médiatisé, c’est louche. Mes pires déceptions venaient de livres encensés par tout le (trop de?) monde). Mais pour une fois il semble que je suis en adéquation avec l’univers, car j’ai vraiment aimé ce roman plus que moins biographique. Sur le thème pas facile des tueries entre Tutsies et Hutus, j’avais déjà lu La jeune fille au sourire de perles, plus dans la violence montrée, dans le chaos des camps de réfugiés, bref, dans une brutalité crue qui, de base, nous place uniquement en spectateur de l’horreur, bien assis dans notre fauteuil de privilégié de la vie. Dans Petit pays on est dans la menace qui plane, dans le basculement qu’on sent dans l’air sans pouvoir deviner quand et comment il va se réaliser…. Des sensations plus accessibles, qui nous immergent dans la vie du narrateur et c’est ce qui fait la force de ce récit.

Magnificat de François-Henri Soulié

Par rapport au fantastique Angelus, JF Soulié a eu comme un coup de mou. Entendons-nous bien, « un coup de mou » quand la référence est un page turner impossible à lâcher, cela donne un très bon livre que je ne regrette pas une seconde d’avoir ouvert. Pour le premier opus de sa trilogie, Soulié avait eu le flair de doubler sa reconstitution (incroyable de détails) du Moyen-âge d’une enquête palpitante entre couloirs d’abbaye et atelier de tailleurs de pierre (je résume. Lisez Angelus, ce ne sera pas du temps perdu). Dans ce second opus (qui peut se lire indépendamment, même si l’on retrouve certains personnages), il double sa reconstitution d’une plongée dans les arcanes du pouvoir, entre traîtrise et jeux de pouvoir, le trône de la vicomtesse Ermengarde de Narbonne étant menacé par un complot de marchands. Intéressant, certes, mais ça fait moins palpiter le petit coeur de lectrice que je suis. Là où j’ai bien retrouvé l’auteur, c’est dans son style, jamais pesant, parfois même poétique. Il y a de la sensibilité dans cette écriture-là, et quand cela va de pair avec un sujet parfaitement maîtrisé, cela donne un excellent ouvrage. Rendez-vous au troisième opus, M. Soulié.

Matilda de Roald Dahl

Tout est parti d’une idée de mon fils de 8 ans: « Maman, on va faire un club de lecture. On se dira ce qu’on lit et si on le conseille à l’autre ». Ne voulant pas tuer dans l’oeuf cette appétence pour la lecture, j’ai accepté, et écouté mon Gnocchi me faire l’éloge de Matilda de Roald Dahl, que je devais a-bso-lu-ment lire. Une relecture, en ce qui me concernait, même si je dois bien avouer que plusieurs décennies me séparaient de ma dernière lecture de l’oeuvre. J’aime ces auteurs jeunesse qui ne prennent pas les enfants pour des idiots. Ces auteurs qui usent d’un bon niveau de langue, se permettent de jouer avec à coups de jeux de mots et noms de personnages bien choisis, et partent très loin sur le chemin des histoires loufoques et rigolotes, le tout enveloppé de jolies valeurs. Un grand chelem pour Roald Dahl et sa Matilda qui prônent l’amour des livres et la force de l’intelligence.

La maison des voix de Donato Carrisi

Si tu as envie d’un bon livre qui émoustille ta curiosité et qui n’est pas écrit avec les pieds sans non plus crier à la grande littérature, tu as frappé à la bonne porte. Un peu comme ces « étrangers » venus kidnapper?/sauver? (en tout cas emmener) cette petite fille et ses parents. Petite fille que l’on retrouve vingt ans plus tard sur un divan de psy, s’accusant du meurtre de son frère des années auparavant. Séance d’hypnose après séance d’hypnose, le voile se lève sur son trouble passé, et sur le trouble présent dudit psy qui lui aussi a visiblement des choses à régler. Un très bon page turner qui ne lésine pas sur le rebondissement et les fins de chapitre pleins de suspens. 

That’s all Folks !

Le prix du pire auteur est attribué à…

Juger, c’est pas bien, gna gna gna. Oui. Mais parfois c’est rigolo. Aujourd’hui j’ai eu envie de placer 9 auteurs sur le baromètre de mon appréciation personnelle. Valeur sûre, valeur moins sûre ou valeur pas sûre du tout? Je sens que le suspense est insoutenable alors je ne vous fais pas languir plus longtemps:

Valeurs sûres

Martin Winkler: l’écrivain du réel. Je le sens toujours honnête dans ses propos, son écriture est fluide et sans fioriture. Une aura de bienveillance, comme s’il disait « je vais te parler de choses pas chouettes, mais tu verras ça va bien se passer ». Et ça se passe bien.

Best of: La maladie de Sachs, Le choeur des femmes.

Daniel Pennac: l’écrivain-maître d’école. Celui qui m’a fait « renaître » à la lecture avec Comme un roman, qui m’a fait comprendre que la lecture était une liberté totale, dans mes choix de livres, dans mon droit de me tromper, dans ma façon de lire. Une vraie révélation. J’aime son écriture, je lis la saga Malaussène comme on écouterait un maître raconter une histoire à sa classe et aucune de ses autres œuvres ne m’a pour l’instant déçue.

Best of: Comme un roman, Journal d’un corps, Au bonheur des ogres.

Italo Calvino: l’écrivain surprenant. Quand j’ouvre un de ses livres, je ne reconnais ni son style, ni un quelconque thème de prédilection. Italo Calvino se tient tapi pour me surprendre en envisageant la littérature sous un angle inédit à chaque fois. Aucun risque de monotonie.

Best of: Le baron perché, Si par une nuit d’hiver un voyageur.

Valeurs moins sûres

Umberto Eco: c’est tout ou rien. Soit j’adore (Le Nom de la Rose, Baudolino…), soit je déteste (Comment voyager avec un saumon). Je ne trouve pas de juste milieu avec lui, parfois son côté érudit m’inspire et me tire vers le haut, parfois il me plombe tout mon plaisir.

J.K.Rowling: conquise par l’inventivité et la maturité qu’elle a placées dans sa saga Harry Potter (un coup de tonnerre dans la littérature jeunesse de l’époque), je trouve le reste de ses ouvrages (Cormoran Strike, Une place à prendre, l’Ickabog) plus plats, plus « comme il faut qu’ils soient ». J’attends désespérément qu’elle reprenne le contre-pied des normes littéraires dans un nouveau roman.

Amélie Nothomb: il suffit que je lise la 4e de couverture pour savoir si je vais apprécier ou non. Fiction ? je vais détester et trouver l’ensemble creux et réchauffé. Non fiction plus ou moins autobiographique ? je vais adorer. Elle n’est jamais aussi bonne que lorsqu’elle s’auto-analyse.

Valeurs pas sûres du tout

H.P. Lovecraft: le pauvre n’y peut rien en réalité, je suis juste totalement hermétique à son univers.

Jean Teulé: il est une énigme pour moi. Je ne comprends pas l’engouement autour de ses livres que je trouve vains, du roman à l’humour facile (La magasin des suicides) au docufiction sans intérêt (Charly 9). Vraiment, ça ne passe pas.

Guillaume Musso (dans le même panier que Marc Lévy): c’est arrivé à tout le monde. Prise au piège dans une gare suite au retard de mon train (à plusieurs reprises, merci la SNCF), je me suis résignée à acheter ce genre de livre pour passer le temps et décidément, ce n’est pas pour moi. Des fils si gros que l’on pourrait amarrer un bateau avec, une touche de gnangnan indéfinissable, lire leurs livres me fait autant cogiter qu’un épisode des lapins crétins et je n’aime pas ça.

Alors dites-moi: je marche sur la tête ou vous partagez les mêmes opinions? Qui est le meilleur et le pire des auteurs/autrices selon vous?

Bric-à-brac lectures, X mois 2022

En ces 6 derniers mois de silence, parce que flemme et parce que boulot et parce que la vie, j’ai moult lu, et des livres qui m’ont inspiré un petit commentaire, je note:

Né sous une bonne étoile d’Aurélie Valognes

Les cancres ne sont pas ceux que l’on croit. Blasés, laissés pour compte, démotivés, rebelles mais aussi rêveurs se retrouvent sous cette même étiquette. Comme Gustave, le Martin Eden des cités grises que l’on garde des années la tête sous l’eau pour ne pas avoir à s’interroger sur le système dans lequel on veut le caser à tout prix, quitte à le casser. Heureusement, ce système auquel on s’adapte mais qui ne s’adapte pas compte quelques humains au grand cœur, comme cette Bergamote qui devine l’enfant doué derrière l’image d’idiot des bancs de classe qui colle à la peau de Gustave. Les intelligences sont multiples, faudrait voir à ne pas l’oublier.

Mon mari de Maud Ventura

« Mon mari n’a plus de prénom, il est mon mari, il m’appartient ». Le ton est donné. Une femme comblée depuis 15 ans, amoureuse comme au premier jour, en vient à penser que son bonheur fait son malheur. Car pour le conserver, elle scrute, elle décortique, elle calcule, elle stratège, elle teste, elle surinterprète, voire elle punit. La dame en fait des caisses pour plaire à son mari et se lamente que son mari ne lui en fasse pas des containers en retour. L’ironie de la calculatrice qui espère un élan amoureux spontané quand elle-même n’a rien de naturel est savoureux.

Mexican Gothic de Silvia Moreno-Garcia

L’horrifique, à la base, ce n’est pas mon genre de prédilection. L’horreur pas si horrible, encore moins. Parce que quitte à lire ce genre d’ouvrage, on aimerait au moins finir par avoir peur en allant faire pipi la nuit. Ici, ce n’est pas le cas: je ne remets pas en cause l’écriture, qui a du style et du talent, juste l’histoire. Dans un manoir bizarre habité par des gens bizarres se passent des choses bizarres. Je dois avouer que si j’ai toqué à la porte au départ, c’était surtout pour le côté mexicain, l’immersion dans ce pays qu’on connaît peu. Alors certes, les mines d’argent ont attiré nombre d’Anglais venus faire fortune, il est indéniable que cela fait partie de l’histoire du pays, mais j’ai été déçue de me retrouver plongée dans un sombre manoir anglais, encore et toujours, même de l’autre côté du pacifique. Déçue, déçue, déçue. Bref, pas de quoi en faire un fromage (ni une omelette, ni une soupe. Je n’en dis pas plus: si toi aussi tu as lu ce livre, tu comprendras l’allusion).

Civilizations de Laurent Binet (pas lu jusqu’au bout)

En voilà une bonne idée … mal exploitée. En partant du principe du « Et si », Laurent Binet inverse les rôles dans la grande Histoire des dominants et des dominés: l’Amérique n’est plus exploitée par les Européens, mais ceux-ci au contraire finissent asservis par les Incas. Tout comme dans Hhhh, il y a ce petit je-ne-sais-quoi de flottant dans l’écriture de ce monsieur auquel décidément je n’adhère pas. Homme de Lettres voulant se poser en historien (les « sources » de sa reconstitution historique de l’attentat perpétré sur Himmler dans Hhhh se résument à une visite au musée, quelques documentaires et des écrits partiellement usités, le monsieur ne maîtrisant pas l’allemand), je sens que Binet attend de moi que je salue son éthique scientifique, m’empêchant d’apprécier pleinement ce que son ouvrage pourrait être: une fiction de très bonne qualité. pour un « Et si » au socle scientifique plus solide, je te conseille La part de l’autre d’Eric-Emmanuel Schmitt.

Pyongyang de Guy Delisle

Si tu veux du dépaysement pour tes vacances d’été, je te suggère Pyongyang en Corée du Nord, endroit charmant, propre, sans pauvreté. Tout en grandeur de façade et en cadenas dissimulés. Avec humour et sans dupe aucune, Guy Delisle nous raconte ses deux mois passés là-bas, avec à sa gauche son guide personnel et à sa droite son traducteur, dont on ne sait si leur rôle est d’encadrer le nouvel arrivant ou de surveiller l’étranger capitaliste.

Notre-Dame de Paris (de Victor Hugo, ai-je besoin de préciser?)

Ou comment s’attaquer à un monument qui parle d’un monument… J’en suis presque à regretter d’avoir lu Les Misérables, plus belle claque littéraire de ma vie qui me rend tous les autres écrits d’Hugo plus fades, malgré leur grande valeur. Ou alors ce sont les apartés sur le dédale parisien et l’architecture des bâtiments qui ne m’ont pas vraiment subjuguée, contrairement au contexte historique dépeint avec brio et passion dans Les Misérables? Toujours est-il que dans mon cœur de lecteur (oui, je suis une fille mais je voulais que ça rime, laisse-moi) Cosette et son Jean Valjean écrasent à plate couture Esmeralda et son bossu. 

Les mystères de Paris d’Eugène Sue

Ma traditionnelle brique des vacances. Quel régal un rien méchant que de lire cette fresque sociale s’attardant sur les pires couches de la société sous un beau soleil de canicule. Mais le soleil n’était pas que dans le ciel: certains se cachent aussi en plein milieu de la misère, dans des cœurs insoupçonnés de ce Paris du 19è siècle que l’auteur décortique en en pointant les dysfonctionnements. Ainsi, on apprécie ces gentilles filles et ces bons gars qui résistent aux sirènes du milieu dans lequel la malchance, la malveillance ou tout simplement la société les ont jetés, aidés en cela par un Zorro masqué de la haute aristocratie. De l’ascenseur émotionnel, du suspense, des secrets dévoilés, tout ce qu’il faut pour ne pas se lasser des plus de 1000 pages de ce roman.

La conquête de Plassans d’Émile Zola

Je poursuis ma conquête des Rougon Maquart avec cet opus qui figure pour l’instant parmi mes préférés. La conquête de Plassans par l’abbé Faujas, dont le cœur froid a du mal à palpiter sous la soutane, ou comment l’habit ne fait pas le moine. Manipulation politique, faux semblants et folie furieuse: 3 ingrédients que Zola utilise à merveille dans sa critique du clergé et son étude des tares héréditaires. Aucune longueur, des rebondissements et une plume magnifique. Du grand Zola comme je l’aime.

La faute de l’abbé Mouret d’Émile Zola

Et c’est la déconvenue… Tome suivant de la saga des Rougon Maquart. Dans La conquête de Plassans (juste là au-dessus, pour ton information, si tu lis en diagonale), ça ne palpitait pas des masses sous la soutane de l’abbé Faujas; ici, ça palpite un peu trop sous celle de l’abbé Mouret, jeune homme tombé dans la religion avant d’avoir connu la vie, la vraie, celle avec de charmantes jeunes filles. Zola, toujours bien remonté envers le clergé, nous offre ici un curé qui s’agite comme un beau diable contre le péché de chair, avec un magnifique parallèle entre hommes et bêtes qui finalement ne sont pas si éloignés. Mon ressenti: bon ben bof, si la première partie augurait du bien, les longueurs de la seconde m’ont fait l’effet d’une douche froide, malgré les thématiques intéressantes (paradis/paradis sur terre, Renaissance de l’homme au monde, revisite d’Adam et Eve). La troisième partie a redressé le cap, mais pas au point de me faire dire que ce roman est un chef d’œuvre. Pas grave Émile, je te pardonne, rendez-vous au tome suivant.

Le major parlait trop d’Agatha Christie

Un jour quelqu’un m’a dit que les clichés existent parce qu’ils sont basés sur du vrai. Je crois qu’Agatha Christie avait rencontré le même gars: parce que si la vieillesse faisait un peu moins dans le cancan, le vieux major un brin vantard sur les bords ne se serait pas retrouvé assassiné. Mais miss Marple, son tricot sous le bras même sur une île paradisiaque en plein été et son instinct du papotage auront tôt fait de démêler l’intrigue qui joue à fond sur les on-dit pas toujours fondés. Pas un des meilleurs de la reine du roman policier, mais qui se lit agréablement malgré tout.

Le voyageur sans bagage de Jean Anouilh

Moi qui ne suis pas fan de théâtre (encore moins quand c’est lu dans mon fauteuil. Et encore moins avec cette édition qui remporte la palme de la couverture moche), j’ai voulu donner sa chance à cette pièce. Bien m’en a pris, j’ai été emballée par cet amnésique de guerre à qui une dadame souhaite redonner sa famille (par acte de bonne conscience plutôt que par charité, dirons-nous). Manière subtile de montrer le côté sombre des familles, les relations humaines ambigües, les secondes chances à saisir. Court mais qui percute.

Le procès des rats de Charles Daubas

J’ai déjà eu les lapins, les fourmis, les vaches, mais pas encore les rats comme héros annoncés d’un roman. Voilà qui est fait, à ma plus grande déception. Je souligne toutefois que nous nous trouvons en présence du typique cas de figure « j’ai des attentes bien précises, toute déviance signera la fin de mon enthousiasme ». Pourquoi ce livre? Parce que Autun, petite ville de Bourgogne au riche passé historique qui se fait discrète mais dont j’aimerais en apprendre davantage. Parce que procès des rats, aussi (l’annonce est assez flagrante sur la 1ere de couverture), une pratique fort courante au moyen-âge de traduire les animaux en justice (justice ecclésiastique, car les p’tites bêtes sont aussi la création de dieu). Bref, je voulais lire sur un pan de l’histoire méconnu, qui se déroulerait dans une ville intéressante. Sauf que. En guise de pan de l’histoire, on a quelques brefs passages par-ci par-là; quant à la ville, les descriptions tiendraient sur un post-it. Et le reste? Et bien c’est plaisant, c’est transposable à n’importe quel endroit boisé de la France, c’est fictionnel. Non vraiment, j’attendais autre chose.

Angélus de François-Henri Soulié

Voilà bien longtemps que l’enthousiasme ne s’était pas fait sentir à ce point (le point étant: je force tout mon entourage à tenter la lecture). Pour qui a Le nom de la Rose dans ses livres préférés, cet opus ne déméritera pas, sans toutefois faire dans le fade plagiat. Ici, on perd en réflexion philosophique et en érudition (mais QUI regrette les longs passages en latin que même Google trad verserait une larme pixelisée?) ce qu’on gagne en peinture de la vie quotidienne au Moyen-âge. Pas de longs pavés descriptifs où l’auteur recrache tout ce qu’il a appris sur la période, en bon élève: le détail est distillé l’air de rien, mais crée un véritable tableau qui ferait presque de l’ombre à l’intrigue, une sombre histoire de meurtres qu’un tailleur de pierre, un chevalier fraichement adoubé et une femme cathare frappée d’hérésie vont chacun dans leur coin essayer d’élucider.

Blackwater, tome 1, La crue de Michael McDowell

[Non mais regarde-moi cette édition de toute beauté!] On m’en a dit du bien, on m’en a dit du mal, on m’en a dit du mitigé. Je me devais à moi-même de trancher. Et puis quoi de mieux que de lire un livre qui s’appelle La Crue après des mois de sécheresse, pour narguer la fatalité? Bilan: si je vous dis que j’ai d’ores et déjà mis les tomes suivants sur ma liste de cadeaux de noël, vous sentez que le jugement va être positif? Saga familiale à tendance matriarcale avec des personnages au caractère fort, ou sacrément effacé, selon si on a des seins ou du poil sur le torse, quand survient LE cheveu sur la soupe en la personne d’Elinor, une femme mystérieuse qui oscille entre le trop-propre sur elle et le bizarrement terrifiante (le genre de personne à côté de qui, d’instinct, tu n’aurais pas été t’asseoir sur les bancs de l’école). J’adore le récit de reconstruction post-inondation bien ancré dans la réalité avec juste le pitit pitit chouïa de surnaturel qui donne du sel à l’ensemble. Bref, une histoire qui démarre sur un bateau…et qui a tôt fait de t’embarquer.

That’s all Folks !

Bric-à-brac lectures, avril 2022

En avril, outre la visite d’un lapin pas radin sur le chocolat, j’ai eu droit à:

La jeune fille à la perle de Tracy Chevalier

Une petite bonne femme servante de son état qui n’a pas voix au chapitre se retrouve dans le rôle d’une balle de flipper qui vient se cogner à un jeune blondinet boucher au marché, un vieux libidineux, une maîtresse de maison pas bien chaleureuse, une matriarche de tempérament, une collègue jalouse, des gamines reloues et un Johannes Vermeer dans sa bulle qui se met en tête de la peindre avec une perle à l’oreille (si tu visualises le tableau, c’est bien: t’es cultivé). Roman historique quand-même sacrément plus roman que historique: ça se base sur de véritables tableaux, l’atmosphère des Pays-Bas du XVIIe y est bien retranscrite, Vermeer a bien existé, mais ça s’arrête là dans la véracité avérée des faits. Ceci dit, si tu ne prépares pas un partiel d’Histoire Moderne, ça se laisse bien lire, même si à choisir je préfère Prodigieuses Créatures, de la même autrice, qui m’avait appris plus de choses.

Les mains du miracle de Joseph Kessel

Himmler, le GO macabre par excellence. Himmler, fanatique de Hitler qui avait sur la conscience des millions de morts et une infinité de souffrances humaines. Himmler, qui avait bobo le ventre (pauv’ coco, va). Kessel a le bon goût de ne pas lui avoir octroyé la première place dans son roman, mais celui de bon suiveur. Un toutou qui suit effectivement sans broncher les directives de son docteur, Félix Kersten, bon bougre inégalé dans le domaine du massage thérapeutique, qui profite de son ascendant sur l’un des pires monstres pour sauver des milliers de vies humaines et tirer un maximum de malheureux des camps de concentration. Ici, Kessel porte sa casquette de journaliste. Il a beau jurer, preuves et documents à l’appui (y compris une rencontre avec ce bon dr. Kersten) que les faits sont avérés, cela reste déconcertant de réaliser à quel point il a su manipuler la « faiblesse » d’un monstre, véritable talon d’Achille dans la carapace d’un monolithe sans remords ni compassion.

Inconnu à cette adresse de Kathrine Kressman Taylor

Un one shot pour cette dame qui a eu le nez fin en écrivant en 1938 cette histoire de deux amis se retrouvant dans 2 camps opposés suite à l’arrivée au pouvoir d’un certain Hitler… Nouvelle épistolaire percutante. Une boule de neige qui dévale la pente à toute allure, un dénouement ironique et mérité. Lue en une heure, mais une heure intense comme peu de livres peuvent se vanter de m’en avoir fait vivre!

La cuisinière de Mary Beth Keane

Popote et pandémie, ou comment le confinement covid fait petit joueur comparé aux années de quarantaine forcée (sur une île, parce que comme ça c’est plus sûr) de Mary Mallon. Au 19è, « la femme la plus dangereuse d’Amérique » n’a ni éviscéré son patron, ni fait exploser une fabrique de couche-culottes, ni tué en série tous les porteurs de moustache en brosse. Ce que l’on reproche à la pauvre Mary, c’est de jouer les guides touristiques pour la bactérie de la typhoïde, tuant sur son passage plusieurs de ses employeurs. Il faut dire qu’à l’époque (mais l’est-ce vraiment de nos jours?), la notion de porteur sain n’avait pas encore fait son chemin dans les esprits. Et voilà Mary accusée de meurtres et envoyée végéter en quarantaine pendant que le monde continue de tourner, monde dans lequel elle tentera de se refaire une place. Mary Mallon a réellement existé et j’ai particulièrement apprécié la manière de l’autrice de dépeindre l’Amérique de l’époque en restant neutre sur les faits, sans jamais excuser ni condamner un point de vue ou l’autre.

Sur les ossements des morts d’Olga Tokarczuk

On veut faire sa crâneuse en lisant une prix nobel et puis on referme le livre sans trop savoir ce qu’on a lu. Sorte de pamphlet politico-écologique qui se déguise en polar avec des morts suspectes de chasseurs et une vieille dame pas mal orientée astrologie qui se persuade que la série de décès est le fait des animaux eux-mêmes, en quête de vengeance. Une aura ésotérique baigne l’ensemble, les réflexions de la narratrice font écho, ce n’est pas mauvais, c’est juste bizarre. Un roman qui me laisse un goût de tiède, je n’ai pas dû le lire dans le bon alignement des planètes.

Les vertus de l’échec de Charles Pépin

Mon prochain risotto cramé, c’est la tête haute que je le servirai! L’échec, le propre de l’Homme, seul être qui apprend à le sublimer, à l’utiliser pour se grandir. Un essai très clair et agréable à lire sur pourquoi que c’est pas si pire de tout rater dans sa vie (avant de rebondir, sinon tu es vraiment mal barré). L’auteur, philosophe, a le bon sens d’appuyer son propos sur des exemples bien concrets qui parlent à tous (pour la faire courte: sur tous ces gens célèbres qui se sont pris eux aussi la porte de l’échec dans la figure avant de passer le seuil du succès.) Les paragraphes sont courts, disent l’essentiel et abordent chacun l’échec sous un autre angle. Décomplexant et instructif.

Et la lumière fut de Jacques Lusseyran

Autobiographie éclairante (tu ne le sais pas encore, mais je viens de faire un jeu de mot nul. Parce que le monsieur est aveugle) d’un résistant de l’ombre baigné de lumière, à la tête de l’un des plus grands mouvements de presse clandestine, arrêté puis déporté. Quel homme! Quelle plume! Quelle vie! Ca relativise d’autant plus le problème du risotto. Dans chaque mot on sent toute l’honnêteté et l’humilité de l’homme qui n’a pas besoin de se faire mousser tant les faits parlent pour lui. Un grand monsieur inspiré.

Le président du marigot de Jean-Pierre Richard

L’élite de la nation française, président compris, revenu à l’âge de pierre après un crash d’avion au beau milieu de l’Afrique centrale. Sa majesté des mouches version bras cassés en costard-cravate qui ne savent plus rien faire dès qu’on les sort de leurs bureaux et de leur CAC40, malgré l’aide apportée par une tribu, la truculente Fanny en tête, vivant non loin. L’humanitaire qui marche sur la tête. Décapant et savoureux, avec de très jolies formules (« Chez nous, on aime tellement raconter les histoires que tu commences à en cueillir une et tu finis avec un bouquet! »)

Chroniques de Jérusalem de Guy Deslile

Roman graphique. Guy Deslile est un « père et dessinateur-au-foyer » qui suit sa femme au gré de ses affectations avec Médecins Sans Frontière et qui raconte son quotidien dans des pays où nous, d’emblée, on n’irait pas. Si tu n’es pas bête, le titre t’a déjà aiguillé sur la destination de ce tome. C’est loin d’être un docu exhaustif, c’est le récit « à taille humaine » d’un gars qui n’a rien à voir avec un baroudeur aventurier, qui cherche avant tout l’endroit où il peut acheter les couches-culottes du petit dernier, et découvre son nouveau lieu de vie avec la pointe de naïveté du nouvel arrivant. C’est formidable d’infos vécues (surtout sur cette mosaïque géographique, entre territoires officiels, colonies, quartiers, communautés ayant chacune leur religion, leurs traditions. Deux salles, deux ambiances rien qu’en traversant une rue. Merci le conflit israelo-palestinien). Je veux tout lire de ce monsieur!

Médée de Sénèque

Mon côté maso dans toute sa splendeur. Je le sais, pourtant, que le théâtre c’est pas ma came, mais je voulais tenter un classique pour faire moins ignare, et puis Médée a priori ce n’est pas le genre de dame avec laquelle on s’ennuie, niveau tragédie c’est du lourd. Je me doutais bien que ce n’est pas le genre de lecture à faire avec Les Anges de la Téléréalité en fond sonore, mais vraiment, pour moi ça reste opaque. Trop de références que je n’ai pas, trop de monologues où j’ai l’impression que le théâtre classique se caricature lui-même. Décidément, le théâtre ça se regarde, ça ne se lit pas. (parenthèse: Lyaeus, Aiétès Créüse, ça foisonne d’idées prénoms pour les jeunes parents…)

Alice Guy de Catel et Bocquet

Alice Guy de Catel. Biographie de la première femme cinéaste e roman graphiste. Ne la connaissant pas du tout (c’est une femme, alors évidemment ses ovaires la font passer au second plan), j’en ai appris à chaque page. J’aime bien ce format, ça va à l’essentiel et ça permet de savoir si le sujet mérite d’être approfondi par d’autres lectures (ici, la réponse est oui).

That’s all Folks!

bric-à-brac lectures, février-mars 2022

Excuse mon absence, j’étais occupée à vivre et à bosser. Mais j’ai lu. Ça tombe bien, c’est le thème du blog.

La fille au sourire de perles de Clemantine Wamariya et Elisabeth Weil

Exode, réfugié, génocide, autant de mots vides de sens pour celui ou celle qui, comme l’autrice et sa sœur, les ont vécus, leurs tripes nouées, l’estomac vide et le cœur brisé. Le génocide rwandais à travers les yeux d’une petite fille qui se livre avec honnêteté et pudeur, une fuite sans fin narrée par bribes, l’histoire d’une survie dont il ne reste que des souvenirs fragmentés que Clemantine tente inlassablement d’enfiler dans le bon ordre, comme des perles sur un collier, pour comprendre, pour se comprendre. Une histoire où le happy end n’est qu’un faux semblant, où la lutte se poursuit tant dans les camps de réfugiés d’Afrique que dans la société américaine pétrie de bonnes intentions parfois mal placées. Un témoignage bouleversant qui fait prendre conscience que même si l’horreur peut prendre fin, se reconstruire prend toute une vie.

La petite communiste qui ne souriait jamais de Lola Lafon

J’ai vécu cette lecture comme sur une poutre de gymnaste: hésitante, balançant de gauche et de droite (mon équilibre naturel et ma grâce innée font l’admiration de mon entourage…). Parce que cette lecture me laisse un sentiment de méfiance: comment démêler le vrai du faux de cette biographie romancée de Nadia Comaneci, mélange de vérité et d’extrapolation? C’est déroutant d’apprécier un livre qui te fait découvrir les coulisses des grandes compét’ de gym et la mise en scène du communisme roumain sans jamais savoir où placer sa confiance dans ce que raconte l’autrice, même si j’admets que ça n’a pas dû être facile de tirer les vers du nez d’une femme qui explique que se taire a le mérite d’éviter les malentendus et les mauvaises interprétations. Une écriture télégraphique, parfois lapidaire, avec des envolées lyriques par-ci, par-là qui ne vaut clairement pas un 10/10. Le sujet m’intéressait, ce livre beaucoup moins.

Les dents de lait de Hélène Bukowski

Lu d’une traite parce que je n’ai rien à faire dans la vie tant j’ai voulu savoir le fin mot de l’histoire. La canicule n’achève pas que les petits vieux dans ce roman qui, paradoxalement, fait froid dans le dos. Une routine de survie en autarcie s’est mise en place lorsque le soleil impitoyable s’est mis à cogner sur un îlot autrefois baigné de brouillard et coupé du monde depuis que ses habitants ont fait sauter le pont. Double autarcie pour l’héroïne, fille de celle venue on ne sait comment d’au-delà du fleuve. La dureté de la (sur)vie, le climat qui dégénère, les suspicions: tout s’accélère lorsqu’apparaît une jeune fille inconnue à la chevelure flamboyante. D’où vient-elle? Est-elle la cause de tous les problèmes? Va-t-elle perdre ses dents de lait et prouver ainsi qu’elle est « comme les autres »? Des chapitres courts qui tiennent en haleine, une narration à la première personne un rien décousu mais qui permet de plonger plus facilement dans le chaos ambiant. Il paraît qu’il s’agit du premier roman de l’autrice: contrairement à son héroïne, elle a de l’avenir!

Tu comprendras quand tu seras grande de Virginie Grimaldi

Une trentenaire allergique du 3è âge à qui la vie vient de donner 2-3 bonnes baffes dans la figure, décide pour se reconstruire d’aller s’enterrer dans un mouroir en tant que psychologue pour personnes âgées. Sauf que dans ce livre, la vieillesse a plein de sève, ne radote pas sur la guerre comme un vieux 33 tours rayé et distille même des conseils de vie qui s’avèrent ma foi bons à prendre. L’histoire est bien rythmée, le style de l’autrice qui sait manier la métaphore cocasse et la comparaison humoristique y est pour beaucoup. Sans crier au génie, c’est clairement un livre à lire pour la détente sans tomber dans les bas-fonds de la littérature feel good qui, souvent trop simpliste, côtoie la profondeur d’un slogan pour jambon en tranches.

Baguettes chinoises de Xinran

Ceci n’est pas un manuel pour apprendre à rester digne dans un resto asiatique. Ceci est une métaphore de la condition féminine chinoise. Une baguette chinoise, ça ne prend pas de place, c’est utile, ça ne fait pas de bruit et ça finit à la poubelle: but ultime que l’on impose à la femme, surtout celle venue de la campagne. Sauf que certaines se sentent fourchettes, comme les sœurs Trois, Cinq et Six (pourquoi donner un prénom à du bétail?) venues du fin fond de leur cambrousse faire leur vie à Nankin. J’ai aimé ce livre, autant pour son rappel succinct de l’histoire de la Chine (Révolution culturelle, politique d’Ouverture, exode de paysans) que pour son pan social à tendance féministe, son tour d’horizon élargi de la culture du pays ou ses descriptions de la cuisine locale. Surtout, le souffle d’optimisme que j’ai perçu évite la lourdeur d’une réalité pas si légère. Une Chine dure mais empreinte d’humanité.

Le lion de Joseph Kessel

Il n’est pas mort ce soir, le lion, il est même papa symbolique de Patricia, une gamine de 10 ans, sorte de petite prêtresse blanche qui n’évolue pas dans la savane, mais qui est la savane tant sa communion avec les animaux sauvages, et King le lion en particulier, est puissante. Patricia, c’est la personnification des frontières qui s’évanouissent, entre les hommes, entre les animaux, entre les adultes et les enfants. Patricia, c’est l’arrogance enfantine qui va faire l’apprentissage la plus douloureuse de la vie. Une histoire belle et triste, passionnante, racontée dans un style magnifique. A travers ses mots, Kessel réussit brillamment à nous communiquer l’émerveillement que lui inspire la vie sauvage d’une réserve africaine. Des étoiles plein les yeux malgré mon aversion pour tous les lieux où il fait plus de 15°, et un véritable soulagement de ne pas avoir rencontré une aura nauséabonde digne d’un Tintin au Congo.

La curée d’Émile Zola

Paris est à terre, Haussman la dépèce, servez-vous! C’est ce que fait Aristide Rougon, devenu Saccard pour plus de classe, après avoir spéculé et magouillé sur l’immobilier avec l’argent de sa femme flambant neuve, la belle Renée, vicieuse mondaine. Dans ce Paris nouveau, les nouveaux riches ne brillent qu’en façade, à l’intérieur ils sont assoiffés d’argent et affamés de chair. Roman court pour un Zola, mais ce tourbillon de vices qu’il nous décrit en sort plus percutant.

That’s all Folks!

Bric-à-brac lectures, Janvier 2022

Les Aventures D’Oliver Twist de Charles Dickens

Oliver Twist, c’est le p’tit gars qui te fait vachement relativiser sur tes déceptions de cadeaux de noël tellement sa vie elle est plus nulle que la tienne. Petite chose trimballée par les aléas de l’existence, au fil des pages Oliver rencontre des méchants très méchants et des gentils très gentils. Feuilleton de journal devenu roman classique, Dickens et sa critique des bas-fonds sordides d’une Angleterre gris brouillard où tout n’est pas rose jouent à fond sur la corde de l’ascenseur émotionnel, avec un petit chétif bien bon mais un peu trop passif à mon goût à qui il arrive le pire comme le meilleur, sans parler du bouquet final (boudiou, c’te bouquet final où les méchants s’en prennent plein le karma!) où Dickens le cœur tendre se laisse aller à l’espoir. L' »ambiance Dickens » tout en smog et en bruine londonienne ainsi que la plume bien reconnaissable de l’auteur font toujours leur petit effet, mais quitte à m’attendrir sur un gamin pas bien chanceux, je préfère son comparse David Copperfield.

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Mission Iceberg de James Rollins

[on remet ça en lecture commune avec Morgane de Des lignes et des mots] D’habitude, les histoires par trop politico-militaires ne me parlent pas des masses, mais celle-ci est tellement enrobée d’action à profusion, de teasing et de rebondissements qu’une fois commencée je ne pouvais qu’aller jusqu’au bout. J’apprécie toujours autant le souci du détail de l’auteur, qui nous en apprend sur la vie en Alaska et le quotidien dans des installations scientifiques de la banquise (lire ça bien au chaud dans ses chaussons est tellement satisfaisant). On retrouve la manière de tisser son histoire qu’il y avait déjà dans Amazonia, mais la broderie autour se renouvelle et au final lire deux livres de cet auteur dans un court laps de temps ne mène pas à l’écœurement. 

Miss Charity tome 1 - bd: L'enfance de l'art : MURAIL, Marie-Aude, CLEMENT,  Loïc, MONTEL, Anne: Amazon.fr: Livres

Miss Charity de Loïc clément et Anne Montel

O rage, ô désespoir! C’est pas sympa de me mettre un tome 1 de cette qualité sous le nez si le tome 2 n’existe pas encore. Tant de cruauté. Je vais donc devoir m’armer de patience (ce concept qui m’est totalement étranger) pour connaître la suite de cette biographie amplement inspirée de Béatrix Potter, naturaliste et illustratrice que Marie-Aude Murail avait choisie comme sujet de roman avant la version BD. Toujours est-il que ce tome 1 est un sans faute: une BD riche et fournie qui ne se lit pas en 30mn, une héroïne attachante dont la passion dévorante pour les bestioles n’est pas si courante et des illustrations de toute beauté. Alors me voilà calée sur l’enfance de la dame, ne reste qu’à en apprendre davantage sur sa vie d’adulte, au bon vouloir de l’éditeur.

Super-Sourde : Bell, Cece, Dauniol-remaud, Helene: Amazon.fr: Livres

Super-Sourde de Cece Bell

Encore une BD (laissez-moi retomber en enfance, j’ai le droit!). Personne ne tombera des nues au vu du titre en apprenant que le livre traite de surdité. De la surdité de l’autrice, qui plus est. Étant interprète en Langue des signes, évidemment ça m’a fait de l’œil, même si ici il s’agit d’une femme devenue sourde après l’acquisition du langage, et qui nous raconte sa vie empêtrée dans les liens sociaux pas toujours faciles en tant que sourde oraliste et les fils de son appareil auditif aussi utile que contraignant. Enfin un bouquin sur la surdité qui dédramatise, qui clame que oui c’est chiant mais c’est pas la fin du monde, qu’un sourd n’est pas QUE un sourd et qu’une différence n’est pas toujours synonyme de handicap. Et ça fait du bien.

Amazon.fr - poésie du gérondif - Minaudier, Jean-pierre - Livres

Poésie du gérondif de Jean-Pierre Minaudier [rererererelecture]

La linguistique, cette science molle presque aussi austère qu’un cours de maths, peut être fun. Si, si. Et si mes douces paroles ne suffisent pas à convaincre les sceptiques, ce livre le fera. Dès la première phrase le ton, l’humour, l’érudition aussi, te happent. Ce livre est un hybride, si agréable qu’il se lit comme un roman de lecture-loisir tout en éveillant l’intérêt par son contenu scientifique. D’ailleurs, l’auteur lui-même est une sorte d’extra-terrestre : homme vouant un culte aux grammaires des langues (les ouvrages descriptifs d’une langue, pas une révision des règles d’accords du participe passé) au point d’en avoir collecté plus de 1000 (mesurons notre chance : si le monsieur avait été tyrosémiophile son livre aurait sûrement eu moins de saveur), sa plume délicieuse non dénuée d’humour rend le propos totalement accessible aux non spécialistes (lui-même est historien et ne cherche jamais à être linguiste à la place du linguiste). Tellement buvable que l’on en vient à le siroter. Les exemples savoureux pullulent, exotiques pour ne pas dire inconcevables à nos cervelles conditionnées (ainsi le !xoon comporte 117 consonnes, le français 18 et le piraha 7, qu’il compense en employant une langue chantée ou murmurée selon ce qu’il cherche à exprimer. Le basque a un pluriel affectif unique au monde, en itelmen il est nécessaire de redoubler le mot pour indiquer qu’il est employé… au singulier et le kabarde est en lice pour être nommé « langue sans voyelle »). Ce texte est une ode (‘ttention, je pars dans le lyrique, tu sens l’enthousiasme?) aux langues, à la variété de leurs manières de dire chacune le monde à sa façon et à la science qui en rend compte avec passion. « En un mot, ce livre chante la poésie de la grammaire. Car il est des êtres dans la vie desquels cet art occupe la place de la lune pour Hugo, de la mer pour Valéry, de Lou pour Guillaume et de Verlaine pour Rimbaud. » 

Sauveur & Fils, Saison 6 eBook : Murail, Marie-Aude, Murail, Marie-Aude:  Amazon.fr: Livres

Sauveur&fils, saison 6 de Marie-Aude Murail

Une saga qui ne s’essouffle pas (et c’est pas si courant). La 4e de couverture promet un opus spécial digne d’une enquête policière, enquête que je n’ai jamais vraiment trouvée. Des interrogations, oui, de la curiosité, oui, mais « enquête » est un bien grand mot. Alors, déçue? Pas du tout: il y a un côté réconfortant à retrouver cette famille recomposée de mille morceaux et les patients perdus qui retrouvent leur chemin, guidés par le sympathique et bien nommé Sauveur, le tout sous la plume d’une autrice qui décidément sait trouver les mots justes. Vivement la saison 7!

Institutrices, sœurs laïques de la République? de Pierre Mazataud

Un ouvrage éclairant comme la lampe de chevet qui fait mal aux yeux le matin, où l’on se rend compte que se mêler des affaires des profs constitue un sport national depuis que le métier existe. Le boulot d’une maîtresse, c’est d’élever (métaphoriquement. Le sens littéral revient aux parents, paraît-il) les enfants à la connaissance. Visiblement, c’est aussi de rendre des comptes à la moitié de la population française. Ainsi, en s’appuyant sur divers supports (allant du compte-rendu de l’inspecteur académique aux lettres anonymes des citoyens), l’auteur retrace le quotidien de ces dames à qui l’on demande de colporter les belles valeurs de la laïcité tout en les obligeant à vivre en nonne en privé sous peine de passer au crible des prudes conventions et du jugement populaire (« se rendre seule si tard -18h- chez un vieux monsieur pour lui emprunter des livres? Shoking! Mais que fait l’inspection?! »). Mauvaises conditions de travail, méfiance des parents, institution qui sacrifie les pros du terrain pour se couvrir, c’est là que l’on mesure qu’il n’y a pas grand chose de neuf sous le soleil de l’enseignement…

That’s All Folks!

Bric-à-brac lectures, Octobre 2021

Ce mois-ci, mon voyage dans le passé (de 1h en arrière, pas de quoi aller serrer la pince d’un dinosaure) m’a tant chamboulée que je n’ai lu que:

Livre: Misery, Stephen King, Le Livre de poche, Livre De Poche,  9782253151371 - Leslibraires.fr

Misery de Stephen King

Note à moi-même: ne JAMAIS devenir un écrivain célèbre. Outre le fait que si tu cherches une lecture glaçante pour le mois d’halloween, tu trouveras ici ton bonheur, l’intérêt de ce livre mettant en scène un huis-clos oppressant est que tu ne t’embrouilleras pas dans les personnages. A ma gauche, Paul Sheldon, écrivain à succès qui se retrouve paralysé à la merci d’une foldingue suite à un accident de voiture en pleine cambrousse américaine. A ma droite, la foldingue Annie Wilkes, aussi forte qu’elle n’est fêlée. En guise de pivot, Misery, héroïne d’une série de romans écrite par Paul et adulée par Annie. En bonne psychotique qu’elle est, Annie Wilkes se met en tête de contraindre par le chantage et la torture son romancier préféré à pondre un nouvel opus à son goût. J’ai tellement aimé ce roman, j’ai rarement été aussi crispée sur un livre (oui, c’est un compliment). Le duel entre l’homme diminué usant de psychologie et la femme folle à lier usant de sa force est tellement bien construit. Stephen King n’épargne rien à son lecteur, avec des passages de violence gore presque insoutenables. Mais il n’abuse pas de cette solution de facilité et décortique surtout très finement les actes et pensées de son héros. A mes yeux, Stephen King n’est jamais autant le maître que quand il s’amuse à se placer dans la tête de ses personnages et y invite le lecteur. Misery rejoint directement Shining et Cujo sur le podium.

Livre: Je vais bien, ne t'en fais pas, Olivier Adam, Pocket, Pocket,  9782266310802 - Leslibraires.fr

Je vais bien ne t’en fais pas d’Olivier Adam

Histoire de liens du sang où l’on suit une fille un peu paumée à qui il manque la moitié de son être depuis que son frère a disparu. Ça oscille entre l’attendrissant et le déprimant, la narration froide et distante n’est pas désagréable pour éviter le pathos facile. Vite lu, vite oublié.

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Livre: Cent ans de solitude / roman, Gabriel Garcia Márquez, Points, Points  Littérature, 9782020238113 - Leslibraires.fr

Cent ans de solitude de Gabriel Garcia Marquez

Je pense avoir mis mille ans à le lire. Je me suis sentie seule vu l’engouement des lecteurs pour ce livre. Fresque familiale où se côtoient un inventeur fumeux, un rebelle exalté, un cruel tyran militaire, un baroudeur des confins, de fausses sœurs jalouses et une fière mère qui en a, le tout sur fond de guerre entre conservateurs et libéraux, avec une aura surnaturelle que le personnage de Melquiades le gitan résume à lui tout seul. Où est la solitude dans cette famille nombreuse? Dans leurs cœurs, pour commencer, chacun se recroquevillant sur sa propre misère, mais aussi tout autour d’eux: dans ce village coupé du monde, à travers l’inceste qui souligne l’isolement des gens, par le caractère cyclique des prénoms et des faits. Un roman qui a provoqué en moi un curieux phénomène de dédoublement: j’ai apprécié la prose avec mon regard « froid » de correctrice, comprenant son succès, mais en tant que lectrice lambda je n’ai jamais vraiment réussi à m’emparer du récit. Un chaud/froid en somme.

Livre: Avis De Deces, Zhou Haohui, Sonatine éditions, 9782355847516 -  Leslibraires.fr

Avis de décès de Zhou Haohui

Tout droit venu de Chine, je me demandais si la différence avec les romans policiers américano-français que je lis d’habitude était bien marquée. Je te donne de suite la réponse: non. Hormis la mention de nouilles instantanées par-ci par-là, ne lis pas ce livre si tu cherches à en connaitre davantage sur la culture locale. Alors, déçue? Pas du tout. L’histoire est très très bien ficelée (un résumé très résumé: un meurtrier bien habile fait courir la police), les rebondissements ne sont pas tirés par les cheveux, les persos sont un peu caricaturaux mais restent plaisants et surtout, je n’avais pas deviné la fin! J’ai trouvé de l’intérêt à ce roman là où je ne m’y attendais pas, et l’effet de surprise n’en est que meilleur.

That’s all Folks!

Bric-à-brac lectures, Septembre 2021

En ce mois de rentrée des classes, j’ai mis dans mon cartable:

Livre: Le complot Médicis, Susana Fortes, Héloïse d'Ormesson, 9782350871547  - Leslibraires.fr

Le Complot Médicis de Susana Fortes

Quand une thésarde en histoire de l’art revêt l’imper de détective et se retrouve à faire dangereusement cohabiter la Florence actuelle et celle du XVe siècle. Hantée par La Madonna di Nievole, un portrait de la Vierge qui renfermerait un terrible secret, Ana retrace le parcours de son auteur, un peintre oublié qui fut témoin direct de la fameuse Conjuration des Pazzi, tentative manquée d’assassinat sur les Médicis qui aboutit à un massacre sans nom en pleine cathédrale florentine. Ça, c’est ce que j’appelle « faire revivre le passé »! J’ai trouvé ce roman historique intriguant et captivant, il transporte. L’écriture est fantastique, par son style et le détail soigné des descriptions, fruit d’un minutieux travail de recherche. Comme un clin d’œil à l’objet central de l’intrigue, l’autrice joue sur les palettes de couleurs pour rendre chaque nuance des environnements dans lesquels évoluent ses personnages contemporains et ceux de la Renaissance italienne. Si je ne devais faire qu’une critique, elle porterait sur la romance de l’étudiante et son vieux prof bien conservé qui fait trop penser à la recherche d’un papa/fifille de substitution. On aurait pu s’en passer. Un livre à mettre entre les mains des démotivés du Nom de la Rose et son érudition poussée à l’extrême et ceux allergiques au Da Vinci Code et sa sauce à l’américaine.

Livre: T.rex superstar, Jean Le loeuff, Belin, Sciences à Plume,  9782701197685 - Leslibraires.fr

T-rex Superstar de Jean Le Loeuff

Citons l’auteur: « Comme jadis les princesses de Monaco, T-Rex en couverture ça le fait: ça dope les ventes et, sans vouloir être goujat, c’est moins sensible à l’usure du temps ». Ok, Jean, tu as gagné: moi aussi je me suis fait prendre au piège par le thème de ce livre, mea culpa. Fermons la parenthèse et parlons du livre. Qu’est-ce qui fait le succès du tyrannosaure? son nom facile à prononcer (va dire « hylaeosaurus » sans te faire un nœud à la langue), le côté badass de ses longues dents de carnivore et sa carrière au cinéma sous la houlette d’un certain Spielberg. Sa popularité n’a pas une assise bien scientifique, en somme. Alors l’auteur a décidé de nous le présenter sous toutes les coutures, pour qu’on sache un peu qui on idolâtre vraiment. Quand je dis « toutes les coutures », je le pense! Même Lagerfeld ne maniait pas l’aiguille aussi exhaustivement: sur un plaisant ton humoristique, l’auteur en impose par la quantité d’infos qu’il a su combiner en suivant un axe chronologique (depuis la découverte des premiers mégalosaures, qui ne figuraient pas vraiment au sommaire de la bible) et en s’attardant sur le traitement du T-Rex dans les arts, les lettres, les sciences (les vraies, les sérieuses, avec des paléontologues qui savent de quoi ils parlent…ou pas), les médias, la linguistique, l’économie et même la psychiatrie (oui oui, toutes les coutures, je vous dis!). Une somme de savoirs bien touffue, qui passe aussi facilement qu’une souris dans la gorge d’un T-Rex, tant l’auteur manie le sujet en vulgarisant juste ce qu’il faut, le tout sur un ton bien loin des doctes savants qui font bailler.

Livre: Le service des manuscrits, Antoine Laurain, Flammarion, Litterature  Gra, 9782081486096 - Leslibraires.fr

Le service des manuscrits d’Antoine Laurain

Un livre qui narre l’envers des livres (parfaite mise en abyme pour faire sortir du lot ce roman). Certains ont presque besoin d’un pansement gastrique quand une lecture leur rappelle le boulot, mais moi j’ai adoré me plonger en dilettante dans ce monde de l’édition qui est mon quotidien (en moins romanesque, je ne vis pas dans une série tv). Tout l’art de l’auteur a été de faire passer l’intrigue au second plan (des meurtres commis exactement comme dans un livre à succès dont l’auteur reste introuvable, autrement dit un mystère qui vaut bien d’autres mystères littéraires) et d’ériger en véritable héros de l’histoire ce service des manuscrits d’une grande maison d’édition parisienne, avec ses lecteurs professionnels, ses loups aux dents longues et son lot quotidien de livres qui n’en sont pas encore. Sans crier au génie (cette lecture ne restera pas dans les annales), j’ai lu avec plaisir cette pseudo enquête qui n’en est pas vraiment une et qui se déroule loin des lieux-clichés propices aux énigmes policières pure souche.  

Livre: Konbini, Sayaka Murata, Denoël, Denoël & d'ailleurs, 9782207137208 -  Leslibraires.fr

Konbini de Sayaka Murata

Un anti-conte de fée qui, aussi court soit-il, en dit long sur la pression sociale que subissent les femmes (mais aussi les hommes) dans la société nippone. Konbini, c’est le nom des supérettes nippones. Keiko, c’est le nom de l’héroïne qui est un peu paumée dans un monde dont elle ne comprend pas les codes. Paumée, sauf dans son konbini où tout est codifié (très intéressant de découvrir la vie d’un employé au Japon d’ailleurs!). Mais Keiko, cette femme sans ambition qui ne cherche ni à évoluer professionnellement ni – pire – à se caser avec un gars alors que sa date de péremption amoureuse approche, dérange. Sa famille, ses amies, ses collègues. Jusqu’au jour où un marginal, tendance parasite qui se victimise, décide de s’installer chez elle. Le jeu de bascule se met en place: plus la vie de Keiko devient minable, plus son entourage est heureux pour elle, et Keiko constate amèrement qu’aux yeux des autres, un mauvais mari vaut mieux que pas de mari du tout. J’aime la littérature japonaise, qui arrive avec douceur à dépeindre des faits somme toute assez brutaux. Unique déception: je n’ai pas saisi si l’héroïne, présentée avec des troubles du comportement dès son enfance, a été choisie pour mettre en lumière que seul un regard différent sur la société ferait éclater les carcans, ou si l’autrice l’a choisie pour excuser son point de vue féministe et tiédir son propos.

Livre: Black Bazar, Alain Mabanckou, Points, Points, 9782757865088 -  Leslibraires.fr

Black Bazar d’Alain Mabanckou [abandonné]

Autobiographie d’un Congolais qui essaie de faire son nid dans la métropole française, entre son quotidien d’humain qui doit se fabriquer une vie et son quotidien de Noir au pays des Blancs et du racisme ordinaire. Je sors de cette tentative de lecture mi-figue, mi-banane plantain: j’ai aimé découvrir la culture congolaise qu’Alain Mabanckou expose autant par sa façon d’être que par ses souvenirs d’enfance au pays, mais je n’ai pas été sensible (ou alors j’ai été trop sensible) à son côté rentre-dedans qui réduit les femmes à leurs fesses et nous donne ses trucs pour aller draguer la minette dans le dos de sa femme (au moins le monsieur a le mérite d’être honnête). Pas d’alchimie, malgré le talent d’écriture que je ne remets pas en cause.

Livre : Nous avons toujours vécu au château écrit par Shirley Jackson -  Rivages

Nous avons toujours vécu au château de Shirley Jackson

Déjà, il y a le cadre: un manoir-prison dont on ne sait s’il protège ses habitants de la haine des villageois ou les emprisonne dans un tête-à-tête à devenir fou. Ensuite, il y a les personnages: Constance, qui n’aime rien moins que cuisiner, sortie innocentée sans conviction du meurtre par empoisonnement de la quasi totalité de sa famille, Mary Katherine qui, en plus d’y accueillir le lecteur, n’est visiblement pas seule dans sa tête et l’oncle Julian, petit vieux qui a perdu la boule et la santé après avoir réchappé de peu à l’empoisonnement. Vient s’ajouter plus tard Charles, pervers manipulateur et cupide. Un huis clos glaçant. J’admire ces auteurs qui arrivent à pondre des livres où concrètement il ne se passe pas grand chose à part un quotidien malaisant, mais qui au final réussissent à me faire passer par toutes sortes d’émotions. Shirley Jackson est la reine à ce jeu-là. Dès la première page, on ressent une tension, une aura étrange et oppressante qui plane et le crescendo dramatique ne fait que s’amplifier. Liens ambigus entre les personnages, non-dits et…dits mais qui ne veulent pas dire ce que l’on pense (tu suis?), l’autrice s’amuse à piéger son lecteur à sa propre imagination. Qui est victime, qui est coupable dans ce château? Un page-turner où tu n’as pas envie de savoir ce qu’il va se passer ensuite, mais ce qui s’est passé avant!

Livre: La Fortune des Rougon, Émile Zola, Le Livre de poche, biographie,  9782253161189 - Leslibraires.fr

La fortune des Rougon d’Émile Zola

Genèse d’une saga que j’ai découverte en faisant ma rebelle, avec quelques tomes lus au hasard sans souci de chronologie. Fini le papillonnage! Happée par la prose et les conventions, j’ai décidé de m’y mettre sérieusement, et dans l’ordre s’il vous plait! Voilà donc les aïeux, ceux par qui tout commence, en dignes rats de labo des ravages de l’hérédité naturelle et du milieu social sous la plume de Zola. Laisse-moi te présenter Pierre Rougon et Antoine Maquart, demi-frères, fils et petits-fils de gens qui ne tournent pas rond, à ce détail près qu’Antoine cumule aussi la bâtardise et le père alcoolique, histoire de bien démarrer dans la vie. Et bien sûr toute leur marmaille respective, sournoise, avide, fainéante, vicieuse, avec quelques bons gars par-ci par-là qui font figure de moutons noirs. Un beau tableau de famille. Mais comme un livret de famille ne remplit pas un roman de 500 pages, Zola place ses personnages au moment de la révolution de 1848, date à laquelle deux générations de Rougon sont à l’affût de la fortune par tous les moyens. Selon les caractères, ça s’insurge ou ça profite éhontément de la situation, ça présente de grandes vertus ou ça n’est que vices de petits hommes. Les gens, la période, la vie: tout est moche chez Zola. Alors, pour adoucir avant le coup de grâce, il nous offre quand-même l’idylle bien mignonne de deux jolies âmes. J’ai beau avoir aimé le traitement des personnages et la manière qu’a l’auteur de mettre directement les pieds dans le plat en termes d’injustice sociale, ce tome ne figurera pas parmi mes préférés, mais reste nécessaire pour ancrer le reste de la série.

Dans le tram par Pérez Galdós

Dans le tram de Benito Pérez Galdos [Merci aux éditions de La Reine Blanche]

Cette fois, ce n’est ni avec le chandelier, ni dans la bibliothèque (dis-moi que toi aussi tu aimes jouer au Cluedo) que le majordome a fait le coup. C’est plutôt avec une lettre de chantage…et dans un roman-feuilleton publié par un journal, que le narrateur de ce tout petit livre lit par hasard en attendant que le temps passe sur sa banquette de tram madrilène. Là où ça devient cocasse, c’est quand le majordome et tous les personnages du feuilleton se matérialisent face à lui en usagers dudit tram. Réalité ou imagination d’un homme qui a un peu trop tendance à laisser son esprit divaguer? L’auteur floute volontairement la frontière sur le fond, mais aussi dans sa forme (roman policier, philosophique, fantastique, comique? un smoothie de tout, en fait) et on obtient ce charmant petit ouvrage à lire…dans le métro (on fait avec les transports qu’on a). Une lecture qui ne laissera pas un souvenir impérissable, mais qui est sauvée par sa brièveté. Au final, c’est le « pourquoi pas? » qui l’emporte.

Amazon.fr - Sauveur & Fils Saison 5 - Murail, Marie-Aude - Livres

Sauveur & Fils saison 5 de Marie-Aude Murail

On reprend les mêmes et on recommence…pas comme avant. Un bond de deux ans dans le temps nous place d’emblée dans le rôle du curieux qui veut savoir « que sont-ils devenus? ». Un beau tour de passe-passe qui permet à Marie-Aude Murail de s’appuyer sur le socle immuable du 12 rue des Murlins (Sauveur, sa famille recomposée et ses pièces rapportées) et de quelques patients déjà connus tout en opérant un renouveau de la patientèle. Comme d’habitude, c’est frais et ça aborde pas mal de thèmes d’actualité avec intelligence et bienveillance par le biais de ce psy empathique et ouvert d’esprit qui, avec ses propres failles et limites, laisse sa cape de superhéros au placard pour se montrer juste humain. Et ça fait du bien.

Livre : Regarde les lumières, mon amour écrit par Annie Ernaux - Gallimard

 

Regarde les lumières mon amour d’Annie Ernaux

Livre très court, qui dit l’essentiel avec finesse. Les supermarchés, ces lieux que je déteste, où j’entre en pestant contre la corvée des courses, où j’erre tel un zombie en quête du rayon petits pois et d’où je sors après m’être délestée de mes euros durement gagnés. Un thème qui ne m’attire pas, en somme (si tu n’as pas encore compris, les lumières que l’autrice a l’air de montrer à son amoureux dans le titre ne sont pas de romantiques étoiles scintillantes, mais bien les néons éclairant les rayonnages). Sauf que c’est Annie Ernaux, et Annie Ernaux, je sais qu’elle peut tout me raconter, même sur des sujets pas faciles, même sur les supermarchés. Et sans surprise, ça marche: sous forme de journal, l’autrice nous partage ses impressions et ses observations sur une année de fréquentation d’un supermarché d’île de France. Au final c’est le monde et la vie qu’elle nous raconte, concentrés entre les rayons de ces lieux de consommation où se rassemblent tant de personnes disparates. Le Auchan du coin comme nouvelle tour de Babel. On n’est pas habitués à trouver Annie Ernaux sur ce terrain, et pourtant on la reconnait à chaque page avec ses questionnements sur le genre, le féminisme, la diversité ethnique, l’exploitation ouvrière, la manipulation commerciale, le rang social au gré de ses déambulations aux rayons poissonnerie ou jouets.

Point final - William Lafleur - Babelio

Point final de William Lafleur

Mouais bof. Big brother à son apogée. Pensez donc: un homme fait croire à sa mort et en profite pour espionner les répercussions sur sa famille à l’aide de caméras et de micros. Mélange de cruauté, de manipulation et d’apitoiement sur soi-même (avec une tentative de jouer les anges gardiens histoire de se dédouaner), ce type prend plaisir à jouer les espions pour ensuite balancer ses impressions sur un blog anonyme suivi par un petit groupe d’internautes. J’étais pas super à l’aise dans ma lecture, parce que l’auteur nous prend en flagrant délit: à force de condamner le père de famille-voyeur et les followers qui se complaisent dans une lecture malsaine, on oublie que nous-mêmes nous prenons plaisir à tourner les pages de ce roman. Ou alors j’extrapole. Quel est le but de l’auteur? Le fait qu’il ait eu à s’expliquer en postface prouve à mes yeux que l’histoire n’est pas assez étoffée pour se faire une opinion par soi-même. Dommage, il y avait matière. Le véritable point fort de ce roman reste le traitement d’un sujet (presque?) inédit en littérature, mais pas assez creusé. J’en sors mitigée. A lire pour l’expérience.

That’s all Folks!

Les 4 sagas que toute bibliothèque se doit d’avoir (à mon humble avis)

Apparemment sur l’Internet mondial instagramable il suffit d’aimer quelque chose pour devenir spécialiste international de ladite chose. Ayant lu plus de 5 livres dans ma vie, je vais donc me la jouer grande prêtresse littéraire (fanfaronner un brin ne fait pas de mal à l’ego). J’aime les sagas, celles qui permettent de creuser les personnages, d’être en pantoufles dans une lecture familière sur une longue période (et de vivre un deuil une fois la dernière page tournée). Du haut de mon impartialité légendaire, voici ma liste des 4 sagas (tous les trucs marchent toujours par 3 ou 5; j’ai décidé de donner sa chance au 4) à absolument découvrir:

Harry Potter - L'intégrale - 7 volumes format poche - Harry Potter - I à  VII - J.K. Rowling, Jean-François Ménard - Coffret - Achat Livre | fnac

La série des Harry Potter

JKR fait grand bruit ces derniers temps, et pas pour les meilleures choses, mais cette saga demeure à une place particulière dans mon cœur (je vais être méchante, mais je m’intéresse rarement aux auteurs, mon attention étant toute centrée sur le livre).

Je ne vous sortirai pas le couplet de la saga qui a bercé mon enfance, car ça ne serait pas vrai. J’étais déjà adulte quand j’ai découvert l’univers magique d’Harry Potter, sur les conseils d’une amie américaine. Cette saga m’a accrochée à deux niveaux : d’abord le monde magique si riche en détails, les personnages attachants, la construction du récit tout en intrigues et sous-intrigues, le phrasé et la création d’un lexique complet. Ensuite, à travers mon regard d’adulte, JKR avait le mérite de ne pas prendre les enfants pour des gamins : des thèmes très durs sont abordés, déguisés parfois bien légèrement sous un voile de magie, le traitement des personnages, qui sont avant tout le résultat de leur vécu, est incroyable ; les méchants ne sont pas toujours ceux que l’on croit, les gentils ont leurs failles. L’évolution du fond et de la forme en parallèle du lectorat qui grandit est réfléchie, travaillée.

[Harry Potter à l’école des sorciers/ Harry Potter et la chambre des secrets/ Harry Potter et le prisonnier d’Azkaban/ Harry Potter et la coupe de feu/ Harry Potter et l’ordre du phénix/ Harry Potter et le prince de sang-mêlé/ Harry Potter et les reliques de la mort]

Amazon.fr - Daniel Pennac, Coffret (6 volumes) - Pennac, Daniel - Livres

La suite des Malaussène

J’aime tellement cette famille atypique et le quotidien mouvementé de Benjamin Malaussène, bouc émissaire professionnel, mon crush littéraire du lycée. Je suis accro au style poético-métaphorique saupoudré de drôlerie de Daniel Pennac : les titres des différents tomes parlent d’eux-mêmes. C’est loufoque, totalement éloigné de notre quotidien tout en nous faisant sentir proche des personnages, une douce-dinguerie sortie de l’imagination d’un écrivain de génie (on ne touche pas à Daniel Pennac, sinon je montre les crocs). A ne définitivement PAS utiliser comme guide des prénoms d’enfant pour nommer votre petit dernier (ceux qui savent, savent !), mais la matière pour passer sans aucun doute l’un des meilleurs moments de sa vie de lecteur est là.

[Au bonheur des ogres/ La fée Carabine/ La petite marchande de prose/ Monsieur Malaussène/ Des chrétiens et des Maures/ Aux fruits de la passion]

Les éditions Gallimard lancent un vaste programme de réédition de l'oeuvre  complète d'Italo Calvino

La trilogie de Nos ancêtres

Au fil des livres, je ne retrouve jamais Italo Calvino là où je l’attends. Toujours lui, mais jamais complètement, il sait se renouveler. Pour moi, cette « trilogie héraldique » est ce qu’il a fait de mieux. Un style merveilleux (en italien du moins), et pas si daté pour ces 3 contes philosophiques tournant autour de la société. Les thèmes du bien et du mal tout aussi nocifs quand ils sont à l’excès, du rejet du carcan social, et de la déshumanisation engendrée par l’obéissance aveugle aux lois et autres protocoles sont amenés sur un ton relativement léger, au travers d’un homme coupé en deux, d’un autre vivant exclusivement dans les arbres et d’un dernier qui se trouve être invisible. Le vicomte pourfendu, quoique agréable à lire, me fait toujours l’effet d’être un brin « facile » au premier abord. Mon préféré reste le tome 2, talonné de peu par le troisième. De très beaux livres pour faire connaissance avec l’auteur.

[Le vicomte pourfendu/ La baron perché/ Le chevalier inexistant]

la trilogie des mousquetaires : Les trois mousquetaires, Vingt ans après et  Le Vicomte de Bragelonne (3 livres illustrés et commentés) eBook: DUMAS,  Alexandre: Amazon.fr

La saga des Mousquetaires

Il fallait bien que je boucle cette liste par un peu de classique. Ce n’est pas un secret, Dumas c’est ma valeur sûre de la littérature : assez classique pour paraître cultivée en société (le français légèrement vieilli, la trame historique réelle), et assez accessible pour que ça se lise rapidement (pas de masturbation intellectuelle démesurée pour suivre l’intrigue). Fait curieux : moi, la psychorigide du détail historique véridique, je n’ai aucun mal à me fondre dans cette peinture des siècles passés sacrément distordue pour convenir à ce que l’auteur a en tête. Roman-feuilleton oblige, on y trouve quelques longueurs (il fallait bien que monsieur mange) et la qualité va un peu decrescendo, mais je pardonne aisément tant le cape et d’épée a d’emprise sur moi. Aussi, Dumas réussit un tour de force : au fil des tomes, on bascule de l’aventure chevaleresque à l’intrigue politique, les héros se faisant vieillissants. Je pourrais me sentir trahie par l’auteur, mais non : l’ensemble est cohérent, comme un cycle de vie inéluctable.

[Les trois mousquetaires/ Vingt ans après/ Le vicomte de Bragelonne]

En termes de saga, j’ambitionne la lecture de la série complète des Rougon-Maquart de Zola, ainsi que du clan des Otori et d’Outlander (moi et mon foutu besoin de variété) mais mon nez truffier de la saga littéraire étant toujours en activité, si tu en connais d’autres qui valent le coup, balance les titres!

Thats’all Folks!

Bric-à-brac lectures, Août 2021

Sur la plage ensoleillée, entre les coquillages et les crustacés, j’ai lu:

Livre: Le sumo qui ne pouvait pas grossir, Éric-Emmanuel Schmitt, Le Livre  de poche, Littérature & Documents, 9782253194187 - Leslibraires.fr

Le sumo qui ne pouvait pas grossir d’Eric-Emmanuel Schmitt

Malgré le titre à rallonge style « L’indien milliardaire qui ne voulait pas fêter son anniversaire dans une armoire ikea » qui rappelle une littérature plutôt légère, Eric-Emmanuel Schmitt et son imagination débordante proposent encore une fois (c’est quoi son secret?) un livre intelligemment écrit, plein de douceur mélancolique teintée de philo. Jun, p’tit gars maigrichon de 15 ans livré à lui-même dans les rues d’un Tokyo moins idyllique que celui des cartes postales, semble avoir été taillé dans une biscotte. Mais sous son profil en 2D, Shomintsu voit un gros. Et Shomintsu a du flair: il entraîne les meilleurs sumos. Voilà Jun le coton-tige embarqué dans une école de lutteurs où il va faire la paix avec son passé et se réconcilier avec son futur. Le seul défaut de cette nouvelle est qu’elle est frustrante de brièveté, même si tout y est: originalité, zénitude et joli phrasé. Délicat comme une fleur de cerisier.

Livre: Les Mémoires d'un chat, Hiro Arikawa, Actes Sud, Romans, Nouvelles,  9782330128975 - Leslibraires.fr

Les mémoires d’un chat de Hiro Arikawa

Dans Au prochain arrêt, on découvrait le Japon derrière une vitre de train. Ici, il se dévoile devant le pare-brise d’un monospace. Pourtant, c’est pas le même style: la délicate poésie est terrée plus profond, sous une couche de souvenirs doux-amers d’un trentenaire faisant le tour de ses amis en vue de leur faire adopter en urgence son chat, et les commentaires pleins de saveur et de drôlerie de ce dernier, bien décidé à ne pas laisser tomber son fidèle compagnon à deux pattes. A la lecture, ça fait lourd dans son petit cœur et léger dans sa tête tant ce livre est un ascenseur émotionnel (à lire avec de quoi se tamponner la larmichette à proximité). Hiro Arikawa a le truc pour trouver des angles d’attaque hors norme pour narrer ses récits. Une très belle histoire.

Cyrano de Bergerac - Edmond Rostand - Gallimard - Poche - Place des  Libraires

Cyrano de Bergerac d’Edmond de Rostand

Quelle fougue, quel panache! Pas fan de théâtre à la base, Cyrano, sa péninsule et moi on est devenus bons copains. Le verbe est haut et châtié, mais pas imbuvable, un peu comme du Molière haut-de-gamme. L’histoire de ce porte-étendard des laids et des pas gâtés a beau être archiconnue, elle mérite d’être lue dans le texte, qui est parfaitement savoureux du début à la fin. Un classique à découvrir!

La contrebasse - Patrick Süskind - Librairie Generale Francaise - Poche -  Place des Libraires

La contrebasse de Patrick Süskind

Süskind, c’est la loufoquerie dans l’art de décortiquer son sujet. Ça démarre comme une conférence privée sur la contrebasse par le narrateur, lui-même contrebassiste… et ça finit en assassinat en règle de l’instrument par son musicien. La contrebasse comme instrument sine qua non de tout orchestre qui se respecte. La contrebasse comme source de tous les maux d’une existence. Court monologue d’un homme à moitié fou à lire d’une traite pour bien en saisir toute la progression.

Livre: Sauveur & fils / Saison 4 / Poche, Marie-Aude Murail, École des  Loisirs, Médium + poche, 9782211313896 - Leslibraires.fr

Sauveur & Fils, saison 4 de Marie-Aude Murail

Pas mon coup d’essai car figure-toi qu’avant le 4, j’avais lu le 1, le 2 et le 3! Sans surprise, si je m’obstine c’est parce que cette série est un petit coup de cœur. Ça parle de quoi? De hamsters, de gens jeunes et moins jeunes un peu paumés dans l’existence, d’à quel point c’est dur de faire tenir en équilibre une famille au lieu de vivre en berger solitaire sur le plateau du Larzac, et surtout de Sauveur, armoire à glace antillaise et psy plein d’empathie de son état. Tellement d’humanité et de bienveillance dans cette série, mais pas une seule mièvrerie. Quelques propos feel good qui enfoncent des portes ouvertes, mais au final la piqure de rappel ne fait pas de mal. Marie-Aude Murail a su trouver le bon ton et les mots justes pour aborder des thèmes que l’on épargne (à tort) au jeune public qu’elle vise: transsexualité, scarifications, racisme, suicides, etc. J’aime qu’elle se mette en danger pour raconter la vie, la vraie, aux ados.

Francois le champi - George Sand - Librairie Generale Francaise - Poche -  Place des Libraires

François le champi de George Sand

Roman d’amourS: filial, maternel, amoureux. Un champi, c’est un enfant abandonné par ses parents. François est peut-être né dans un chou, mais il est surtout né sous une bonne étoile, qui lui fera rencontrer de belles âmes pour le faire grandir. George Sand y a mis tout son vécu (son amour de la campagne, son don des affaires, son goût du socialisme, sa vie amoureuse…), ce qui rend le texte intéressant, mais elle reste sur ma liste d’auteurs que j’aimerais aimer, sans succès. Soit que son style ne me parle pas, soit que les romans champêtres ne sont pas ma tasse de thé. Je n’arrive pas à trancher.

Amazon.fr - Bleak House - Dickens,Charles, Bellanger,Aurélien,  Monod,Sylvère - Livres

Bleak house de Charles Dickens

Ma tradition des vacances d’été: trimballer une brique dans ma valise. C’est un fait: Dickens, faut pas lui demander de pondre une brochure touristique attractive pour attirer le chaland dans la capitale anglaise: rues coupe-gorge qui baignent dans le brouillard, manoir avec sa légende de triste fantôme, maisons de guingois et pauvres hères à tous les coins de rue. Par contre, on peut sans se tromper lui demander de tailler un joli costard en 2-3 phrases bien senties à ses contemporains. Je ne résiste pas à un petit florilège savoureux: « huître de la vieille école, que personne ne peut ouvrir », « la mer est généralement dure pour Sir Leicester, dont elle marbre de vert la physionomie comme un fromage aux fines herbes » « M. Quale nous demanda à Ada et moi si M. Gusher n’était pas un grand personnage (il l’était à coup sûr, en tant que volume de gélatine ; mais M. Quale voulait parler de beauté intellectuelle) ». Ces personnages, plus ou moins miteux du dedans ou du dehors selon la pauvreté de leur bourse ou de leur cœur, gravitent tous tels des satellites autour de la planète Justice. Car c’est là le thème central: la satire du système judiciaire tourné en dérision. La Chancellerie est présentée comme une pieuvre tentaculaire ridicule, dont la tête est constituée de magistrats incapables contents d’eux-mêmes et dont les tentacules balaient le reste de la populace sur leur passage, ôtant aux pauvres plaideurs leur fortune, leur espoir…et leur vie. Le fil rouge du roman est justement le procès Jardnyce et Jardnyce, démarré des décennies auparavant, étendant son ombre au-dessus d’une génération de jeunes gens qui n’en connaît plus ni les tenants ni les aboutissants. Sur le principe du « comme le monde est petit », Dickens en profite pour faire se côtoyer toute une galerie de personnages touchés de plus ou moins près par ce jugement qui tourne en rond, avec son lot de fiançailles, de vie misérable d’indigents, de contingences aristocratiques et de décès malheureux. Le tout raconté par deux narrateurs qui brisent à bon escient le rythme de narration: l’omniscient qui dresse des tableaux généraux, et l’héroïne, petite bonne femme bien gentille et serviable dont on devine qu’un secret entoure la naissance. Si tu aimes les longs pavés où les événements se distillent tranquillement, le style sophistiqué du 19è siècle truffé de tournures qui font mouche, le romanesque des rebondissements et les bouquets finaux pleins de révélations, Dickens est décidément une valeur sûre.

Livre: La Cité des dames, Christine de Pizan, Le Livre de poche,  biographie, 9782253240501 - Leslibraires.fr

La cité des dames de Christine de Pizan

Abandonné avant d’être entrée dans le cœur du sujet. Un propos féministe à la sauce 15è siècle. Très intéressant par son côté moderne, mais le soleil et la mer n’ont pas aidé à me faire entrer dans ce livre sérieux. A retenter lorsque j’aurai plus la tête à ça et qu’on aura ressorti les doudounes.

That’s all Folks!

Bric-à-brac lectures, Juillet 2021

Ce mois-ci, feu d’artifice de lectures:

Livre : Le monde caché d'Axton House écrit par Edgar Cantero - 10-18

Le monde caché d’Axton House d’Edgar Cantero

Mystère dans le grand manoir. Tu as l’impression d’avoir déjà lu 1000 livres sur le sujet? Peut-être. Mais pas raconté comme ça. L’auteur renouvelle totalement le genre en 3 idées de génie: 1) présenter le récit en alternant descriptions de caméras de surveillance, enregistrements audio, extraits d’un journal de rêves, lettres à la famille, papelards administratifs, etc. C’est volontairement déstructuré et ça fonctionne; on se croirait en train de regarder ce qui se passe au-dessus de l’épaule du narrateur. 2) Miser sur l’anachronisme en déracinant de son habitat naturel du 19e siècle une demeure victorienne comme on n’en fait plus pour en faire l’héritage d’un étudiant en géo et de sa copine muette au look punk, de purs produits des nineties. 3) Jouer à fond la carte du mystère (parce que quand-même, on est venu pour ça) en en imbriquant plusieurs: fantôme (sinon c’est pas un vrai manoir victorien); mystérieux suicides à l’identique, liés à des cauchemars qui se transmettent comme une mauvaise grippe; membres d’un pseudo club de fanas d’occultisme; mais aussi gros flou concernant les deux héros principaux dont on ne sait quasi rien. Un livre qui tient en haleine jusqu’au dénouement final (un petit quelque chose d’ésotérique/fantastique, mais acceptable pour la terre-à-terre que je suis).

Livre : Du miel sous les galettes écrit par Roukiata Ouedraogo - Slatkine &  Cie

Du miel sous les galettes de Roukiata Ouedraogo

Je me suis régalée (dis-moi que tu as compris le jeu de mot) On connaissait Proust et sa madeleine, il y a aussi Roukiata et le pancake du petit-déj de l’hôtel. Dès le premier paragraphe, Roukiata Ouedraogo joue sur l’humour et la proximité. Elle nous parle en bonne copine. Après ça, elle pouvait me raconter n’importe quoi, Roukiata: j’allais aimer la lire. Ce pancake, qu’elle mange avant d’entamer une journée marathon en tant que marraine de la francophonie, lui rappelle les galettes que sa mère faisait au Burkina Faso et, par extension, le jour où son père a été emprisonné arbitrairement. Elle raconte le parcours du combattant de sa mère pour sortir son mari de là, avec elle tout bébé, bien emmaillotée sur son dos, et en profite pour glisser mille et un détails sur la vie au Burkina. Ça a beau ne pas être une histoire drôle, il n’y a rien de tristoune: Roukiata a compris qu’il vaut mieux prendre les choses avec philosophie. Une très belle découverte qui se déguste à petites bouchées.

Livre : Les caprices de Marianne écrit par Alfred de Musset - Pocket

Les caprices de Marianne d’Alfred de Musset

J’aime pas lire du théâtre (un truc qui s’explique mi-parce que le format ne permet pas d’approfondir le propos, mi-parce que quand les personnages papotent en style direct tout du long, ça me rejette d’emblée hors du livre), mais un peu comme pour les salsifis je vérifie régulièrement que je n’ai pas changé d’avis. J’ai donc jeté mon dévolu sur cette comédie qu’on ressent plus dans le phrasé (la partie de ping-pong verbal d’Octave et son cousin dans l’acte II est fantastique) mais avec un vernis de sérieux (les propos de Marianne sur la Femme), voire carrément de tragique sur la fin. Vraiment pas emballée par cette espèce de carré amoureux où le gentil mélancolique fait face au joyeux inconsistant.

Livre : Le ventre de Paris, Les Rougon-Macquart. Volume 3, écrit par Emile  Zola - Le Livre de poche

Le ventre de Paris d’Émile Zola

Qui aurait cru que j’allais aimer qu’un auteur me parle de boudin et de moules? Un évadé de Cayenne condamné à tort tente de reprendre goût à la vie au milieu des denrées, entre critique politique et Paris populaire. « Vivant », c’est ce qui me vient en premier à l’esprit. Sous la plume de Zola, le cœur nourricier de Paris grouille de milliers de petites fourmis ouvrières qui s’attèlent aux étals, tels des enzymes s’attaquant au contenu de l’estomac (comment ça c’est la pire comparaison du monde?). C’est un écrit qui ne joue pas sur l’empathie, les personnages eux-mêmes n’étant que des « ventres », gras ou maigres selon, mais qui ne montrent ni cœur, ni cervelle. Aux halles, ça juge au tour de taille et ça agit avec les tripes, en mode métaphore filée sur 500 pages, où les personnages sont placés sur le même plan que les denrées qu’ils vendent. Maigreur des affamés et grasse opulence s’affrontent. Qui l’emportera? Le naturalisme façon Zola, c’est vraiment quelque chose (désolée, j’ai pas les mots pour vous convaincre de lire ce monument)

Amazon.fr - Le Père Goriot - Balzac, Honoré de - Livres

Le Père Goriot de Honoré de Balzac

Le Père Goriot, c’est… le père Goriot, un bon gars qui encaisse l’ingratitude comme personne et sait se mettre en 4 pour ses filles qui ne font même pas l’effort de se mettre en 2 pour lui. J’avoue que le sujet m’a fait plaisir, pour une fois que c’est l’instinct paternel qui est mis en avant. Mais Le Père Goriot, c’est aussi Eugène de Rastignac, provincial qui préfère jouer au parvenu dans les salons plutôt que réviser pour ses partiels, conseillé par Vautrin, homme mystérieux qui a tout vu, tout vécu. Goriot et Rastignac, le papa poule et le poussin tout juste sorti de l’œuf, ont tous deux bon fond mais se laisse chacun entraîner vers des pôles opposés: l’honnêteté qui ne mène à rien et la fatuité dure à entretenir. Question qualité d’écriture, j’ai toujours plaisir à lire Balzac, surtout son côté rentre-dedans quand il attaque ce qu’il n’aime pas, même s’il n’a pas l’art de me faire vibrer comme un Zola.

Livre : Lorenzaccio écrit par Alfred de Musset - Flammarion

Lorenzaccio d’Alfred de Musset

Oui, vous lisez bien: du théâtre, et du Musset de surcroît. Salsifi II, Le Retour! Il ne sera pas dit que je n’aurais pas essayé jusqu’au bout. Ma foi, ce coup-ci c’est mieux passé. Drame historique dans la Florence du XVIe siècle où Lorenzo joue double jeu entre Alexandre de Médicis, son cousin et accessoirement tyran de la ville, et les républicains pleins de bonne volonté et accessoirement tyrannisés dans la ville. Le contexte historique (même s’il est tout tordu par l’auteur) a pas mal aidé à m’intéresser à l’histoire. Du sang, des larmes, du drame et pas d’histoire d’amour neu-neu: un cocktail qui me plaît.

Angor de Franck Thilliez

Je ne suis pas vraiment une fin gourmet du thriller, tant qu’il y a du frisson et du suspense, je suis bon public. Angor a rempli le contrat. J’ai aimé l’enquête et ses ramifications, le concept de mémoire cellulaire, le fait que le mystère est pris par les deux bouts avec des enquêteurs qui investiguent en parallèle en ignorant l’existence des autres, l’équipe de policiers qui galère plutôt que ZE détective superhéros, le couple de flics apaisés et jeunes parents (ça change du cliché éculé du quinqua torturé, solitaire, roublard et alcoolo qui a tout perdu dans la vie. Notez que ce roman fait partie d’une série dont les premiers tomes, que je n’ai pas lus, présentent bien le flic Sharko en mec torturé, solitaire,…). Même si l’ensemble est bien ficelé, c’est parfois bien tiré par les cheveux (la barrière de la langue, visiblement ça n’existe pas) et ça reste très prévisible: on ne devine pas la fin dès la page 2, mais on sent arriver la révélation à chaque étape de l’enquête. Reste la satisfaction de vérifier qu’on a vu juste, ou le plaisir d’appréhender le tout comme un épisode de Columbo, mais quelqu’un en quête de gros suspense restera sur sa faim.

Amazon.fr - Les Âmes mortes - Nicolas Gogol, Vladimir Pozner, Henri  Mongault - Livres

Les âmes mortes de Nikolai Gogol

Même ma vieille édition de 1987 toute jaunie et sa typo riquiqui trouvée je ne sais plus où ne m’ont pas empêchée d’aller au bout! Pour moi, Gogol rimera toujours avec Les nouvelles de Petersbourg, grosse baffe littéraire de mon année de 1ère L qui m’a longtemps retenue de lire d’autres œuvres de l’auteur de peur d’être déçue. En version roman, le monsieur n’est pas mal non plus, mais mon gros a priori sur la question me fait mettre ces âmes mortes un cran en-dessous, même si je les recommande chaudement: finalement, les deux livres mis côte à côte offrent une belle photographie sépia de la Russie d’antan. Les gens de la grande ville dans l’un, les gens de la province dans l’autre, mais tous unis sous le joug du même fléau que Gogol dénonce: l’administration russe (qu’en comparaison, même obtenir un renseignement de ton centre des impôts sur quelle case cocher sur le formulaire reste une douce balade bucolique), ses chefs et ses sous-chefs et ses sur-chefs, ses illogismes et ses non-sens. Gogol tourne le tout en ridicule, avec ces âmes mortes, ces serfs décédés mais que le système considère comme toujours vivants. Le ton est sérieux comme dans un classique qui se respecte et drôle tout à la fois, avec ses tournures bien senties et la caricature que l’auteur dresse de ses contemporains, sans oublier ses incursions en nom propre histoire de jouer sur la captatio. Je me sens d’attaque pour lire d’autres écrits de l’auteur!

Le fauteuil hanté - Gaston Leroux - Librairie Generale Francaise - Poche - Place  des Libraires

Le fauteuil hanté de Gaston Leroux

Décidément les intrigues du papa de Rouletabille (absent dans ce livre) n’ont pris que quelques rides au coin des yeux. Ça a un petit côté réconfortant de se plonger dans ces histoires d’un autre temps qui, par leur contexte devenu désuet, deviennent sacrément originales. Leroux règle un peu ses comptes avec les Immortels de l’Académie, qui malgré leur statut tombent comme des mouches. La faute, apparemment, à un recalé de la noble institution, au nom aussi long que ses connaissances sur l’ancienne Égypte et ses malédictions. Assez court pour ne pas s’ennuyer et assez long pour fournir quelques rebondissements inattendues et un dénouement étonnant.

Les Anneaux de Bicêtre: Amazon.fr: Simenon, Georges: Livres

Les anneaux de Bicêtre de Georges Simenon

Un des grands mystères de ma vie de lectrice: trouvé par hasard dans la bibliothèque de mes parents à l’âge de 12 ans, ce long monologue intérieur d’un quinquagénaire, Parisien de la haute, aphasique et cloué dans un lit d’hôpital suite à une attaque cérébrale avait raisonné en moi. Curieuse de voir si la magie opère (opérer, hôpital: j’adore l’humour hu, hu) toujours, je l’ai relu. C’était encore mieux (avec un degré supérieur de compréhension, vu mes 25 ans d’expérience de vie supplémentaires). Le génie de faire tenir tout un roman dans un seul lieu, que dis-je, dans une seule tête, pour en faire ressortir une vérité humaine universelle. Le génie introspectif du retour sur lui-même du personnage et sa lente métamorphose. Du génie, rien que du génie, voilà le mot.

That’s all Folks!

Livres que tu peux lire à ton enfant sans te trancher les veines d’ennui avec les pages.

Ca y est, le chaos règne: ton enfant est en vacances. Tu le collerais bien devant la télé ou un jeu vidéo, mais comme un vague relent de parentalité responsable inspirée par la société et Maria Montessori remonte à la surface de ta conscience anesthésiée par tant de « môôômaaaaan » braillés à tire-larigot, tu te dis que lire un livre à ta progéniture, ça pourrait être sympa (enrichissement du vocabulaire, développement de la concentration, émerveillement de l’imaginaire, lien filial renforcé: quel parent ne serait pas ému aux larmes de découvrir tant de qualités chez son rejeton?)

Mon propre spécimen de balle rebondissante combinée boîte à meuh(-man) est âgé de 6 ans. Après avoir surmonté pendant 5 années des envies de me pendre avec un spaghetti cuit en re-re-re-re-re-re-lisant (l’enfant, c’est comme un disque rayé: il ne se lasse J-A-M-A-I-S de répéter) les imagiers (8 mots en 12 pages, achevez-moi) puis les petites histoires niaises qui enseignent la vie et qu’il faut aller sur le pot, j’arrive enfin à l’âge sympa où, en tant qu’adulte, tu commences à ne plus avoir envie de te suicider avec une rondelle de saucisson pas fraîche quand tu fais la lecture à ton enfant. Encore faut-il bien choisir. Laisse-moi être ton gourou:

Le feuilleton d'Hermès: Amazon.fr: Szac, Murielle, Duvivier, Jean-Manuel:  Livres

Le feuilleton d’Hermès de Murielle Szac

Ou comment devenir intelligent en lisant des livres pour enfants. Le Feuilleton d’Hermès se déroule sur 100 épisodes (de quoi avoir des munitions un bon bout de temps pour les lectures d’après-manger, quand c’est l’heure de la sieste mais que le rejeton pète le feu) qui font chacun 2 pages d’écriture agrémentées d’une illustration épurée (de quoi ne pas perdre l’attention des plus jeunes). Sacrément bien foutu, ce livre! Si tu es normal et que tu n’as pas en ta possession un diplôme d’études supérieures en mythologie de la prestigieuse université américaine du Mâchetachaussette, tu te perds sûrement parmi tous les membres et les liens de famille, aussi complexes et alambiqués qu’un épisode d’Amour, Gloire et Beauté. Justement: le côté didactique nécessaire aux plus jeunes permet aussi aux cerveaux rouillés des parents de se repérer enfin parmi la progéniture des Zeus. C’est un fait: les récits mythologiques sont plus gores qu’une histoire de schtroumpfs, à base de parricides et de types qui bouffent leurs enfants. Je m’attendais à un truc très édulcoré, mais bien que ce soit abordé avec délicatesse, rien n’est épargné au lecteur et c’est bien la vraie mythologie telle qu’elle est qui est présentée. (Existe aussi en version Thésée, Artémis et Ulysse]

Le grand méchant renard et Un bébé à livrer de Benjamin Renner

Ou comment se fracturer une côte de rire en lisant des livres pour enfants. Petits et grands, pour peu que le ton un brin familier ne vous gêne pas, c’est l’explosion de rire garanti. Les scenarii sont improbables et hilarants (un renard tellement faible et bon gars que la seule proie qu’il envisage ce sont des poussins encore dans l’œuf. Vous saviez, vous, qu’un poussin qui naît considère la première chose qu’il voit comme sa mère? Le renard ne le savait pas. Vous vous êtes déjà demandé ce qui arriverait si un lapin, un canard et un cochon pas bien futés décidaient de jouer les cigognes?) et des répliques cultes. Le format BD avec des dessins au style un rien griffonné passe très bien.

Little piaf de Daniel Picouly (texte) et Frédéric Pillot (illustrations)

Ou comment redécouvrir ces classiques en lisant des livres pour enfants. Parce que figurez-vous que Little Piaf n’est rien moins qu’une adaptation « aviaire » (comme la grippe) des Trois mousquetaires de Dumas. En d’autres termes, Little Piaf, c’est le D’Artagnan des moineaux. Le cape et d’épée version picoreurs de graines, c’est génialissime (surtout pour introduire un de mes romans préférés pas encore accessible pour un enfant de 6 ans). Plus de texte que d’illustrations (magnifiques néanmoins), avec des encarts explicatifs de surcroît (des fun facts, des postures d’escrimes, des races d’oiseaux, de la lithothérapie et j’en passe). Génialissime je vous dis!

Balbuzar - cartonné - Gérard Moncomble, Frédéric Pillot - Achat Livre | fnac

Balbuzar de Gérard Montcomble (texte) et Frédéric Pillot (illustrations)

Ou comment en avoir plein les mirettes en lisant un livre pour enfants. Parce que dans ce livre-ci, Frédéric Pillot laisse exprimer tout son talent (et il en a à revendre, le monsieur): des planches superbes, qui fourmillent de détails, avec une palette de couleurs incroyables. Le genre d’illustration que tu peux passer 1h à détailler. Et le texte n’est pas en reste: histoire de pirate, pour rester dans le ton enfantin. Mais pas une histoire bateau (bateau pirate, humour, hu, hu): c’est creusé, c’est truculent, c’est intelligent! Je ne me lasse pas de ce livre.

Amazon.fr - Le Petit Nicolas - Sempé, Goscinny, René, Sempé - Livres

Le petit Nicolas de Goscinny (texte) et Sempé (illustrations)

Ou comment être envahi de nostalgie en lisant un livre pour enfants. Parce que Le petit Nicolas et moi, on se connaît depuis un bout de temps et ça fait toujours un petit quelque chose de lire avec son propre mini-soi un livre qu’on lisait nous-mêmes quand on était mini. Le génie de ce livre, c’est son effet coup double: les petits se marrent à fond des bêtises de Nicolas et de ses copains qu’ils rêveraient de faire eux-mêmes, et les grands, avec leurs yeux de parents, sourient en se disant qu’en fait ils sont pas si mal lotis avec leurs propres spécimens. Phénomène surprenant: écrits il y a plus de 60 ans, à l’époque des papiers peints fleuris, de l’école fermée le jeudi et de la télé qui était un luxe, ces livres ont particulièrement bien vieilli! Il n’est pas superflu parfois d’expliquer à son échantillon de génération 2.0 le principe du téléphone à cordon, mais dans l’ensemble, ce qui se dégage de ces tomes c’est qu’un enfant restera toujours un enfant (avec sa naïveté et son goût prononcé pour les pains au chocolat et les jeux qui finissent en chamaillerie)

Les P'tites Poules et l'Art – Caracolus

Les p’tites poules de Christian Jolibois (texte) et Christian Heinrich (illustrations)

Ou comment réviser sa culture G en lisant des livres pour enfants. Tout l’intérêt de cette série de livres particulièrement sympatoche et bien illustrée, c’est que l’aspect pédagogique va un peu plus loin que « il faut bien manger sa soupe », « fait une bise à mamie » et « va sur le pot ». Au gré des tomes sont mentionnés Christophe Colomb, Galilée, Jean de La Fontaine, Molière ou les frères Montgolfier; mais aussi les légendes du Minotaure, de Baba Yaga et du Basilic; mais aussi l’usage du sucre dans la fabrication des bonbons, le processus (polluant) de teinture de tissu, etc… Les thèmes sont variés, amenés dans un registre comique, le vocabulaire est riche, ce qui permet d’apprendre de nouveaux mots, la lecture est à différents niveaux, avec des jeux de mots. Pour sûr mon fils redécouvrira cette série plusieurs fois avant d’en avoir fait le tour!

That’s all Folks!

Bric-à-brac lectures, juin 2021

Ce mois-ci, entre une canicule d’été à lire à l’ombre et un temps d’automne à bouquiner au lit (y a plus de saison ma bonne dame!), j’ai lu:

Ebook: Entre fauves, Colin Niel, Le Rouergue, Polars, 2960173816571 -  Leslibraires.fr

Entre Fauves de Colin Niel

PAL-PI-TANT (comme un cœur avant de cesser de battre). Récit à 4 voix, où Charles le lion est un roi déchu; où Martin le garde au parc national des Pyrénées, anti-chasseurs extrémiste, pourchasse ses propres proies; où Appoline, baignée depuis toujours dans la culture de la chasse, pense trophées et adrénaline; où Kondjima, éleveur de chèvres namibien, se fait un devoir au nom des ancêtres de protéger son bien le plus vital face aux prédateurs. Entre fauves, c’est un cercle vicieux qu’on ne voit pas venir, où le traqueur devient traqué. Colin Niel aborde les dérives de notre rapport au monde animal, les regards biaisés, les jugements hâtifs, en ayant l’intelligence de rester neutre, de donner une parole équitable à chacun. Rien de manichéen. Les différents points de vue font sens, interrogent, nuancent. Avec subtilité, sans chercher à convaincre, Niel rappelle que dans le grand écosystème mondial, tout le monde a ses torts. Au lecteur d’en tirer sa propre leçon. C’est très finement mené, mais était-il nécessaire de tant « anthropomorphisé » Charles, lui conférant orgueil, prévoyance, nostalgie et recul sur ses propres actes tout en minimisant le simple instinct? Le prédateur n’est pas toujours celui que l’on croit. Un texte intelligent qui donne à réfléchir.

Livre: Les mystères de Marseille, Émile Zola, Archipoche, Archipoche,  9782377358885 - Leslibraires.fr

Les mystères de Marseille d’Emile Zola

Roman-feuilleton des débuts, boulot alimentaire parce qu’un écrivain ça ne se nourrit pas de plumes d’oie et d’encre. Pas son meilleur mais qui a ses charmes, avec son esprit roman d’aventure sur fond de révolution de 1848 et d’épidémie de choléra (toi aussi, révise ton histoire de France). On y suit Marius, une bonne poire qui se démène pour faire sortir de prison son frère, un Don Juan notoire qui ne sait pas se tenir tranquille et dont on ne peut pas dire qu’il soit parfaitement innocent. Agneau pur et noble de cœur au milieu des brebis galeuses, Marius va découvrir la face cachée de sa ville: dédain de classes et dévoiements écœurants où conduisent le pouvoir, l’argent et le don pour l’escroquerie, le tout enrobé de rebondissements, de complots et d’une dose de romance pour coller au stéréotype du genre, avec une plume qui laisse deviner le grand auteur que Zola deviendra (d’ailleurs en parallèle il écrivait Thérèse Raquin. Ca pose le niveau du bonhomme). Pour qui aime Emile, ce livre fait le job et permet de se classer parmi les intellos qui connaissent même les œuvres mineures d’un grand auteur.

Le Treizième Empereur de Alexandre ALLAMANCHE - ePub - Ebooks - Decitre

Le treizième empereur d’Alexandre Allamanche

Avant, pour faire ma crâneuse, parmi les auteurs qui savaient faire revivre le passé avec brio, je citais Dumas pour l’époque moderne et Druon pour le Moyen-âge; mais il me manquait la Rome antique. La lacune est comblée en la personne d’Allamanche. Roman historique auto-publié qui ne déparerait pas dans le catalogue d’une maison d’édition traditionnelle tant la qualité est au rendez-vous. Le travail de recherche sur la période évoquée se ressent à chaque page (ligne?) : légèrement romancés par endroits, les faits historiques véridiques pullulent et c’est un plaisir d’en découvrir autant et de manière si agréable sur des sujets aussi variés que le fonctionnement du sénat, les us des armées impériales ou l’origine des gladiateurs (bonus pour les plans et autres schémas qui aident les lents du cerveau comme moi à assimiler le propos). Et l’histoire? (parce que sinon ça s’appelle un manuel scolaire) Complexe, mais toujours racontée de manière claire. Marcus Ulpius Traianus, homme droit dans ses bottes, succède à Nerva sur le trône des empereurs romains sous le nom de Trajan. Parfaitement taillé pour supporter cette charge, ses dons de commandement et sa popularité se heurteront à la hargne des Daces et aux conspirations parthes visant sa descendance. J’aime le style de cet auteur, aucun temps mort dans la narration, comme dans l’agenda d’un César de l’ancien temps. Sans compter le récit enrichi de mille petits détails qui rend le tout particulièrement visuel, réaliste et immersif, ou comment se rêver en toge, allongé sur un divan de triclinum en avalant une grappe de raisin alors qu’on est avachi sur son lit en chemise de nuit à s’enlever un reste de repas d’entre les dents. Ça fait plaisir de sortir des sentiers battus préformatés par les circuits d’édition classiques, et de se dire qu’on a accordé avec raison de son temps à un auteur qui mériterait plus de pub.

Ebook: La Peste écarlate, Jack London, BnF collection ebooks, Classiques,  2960169724422 - Leslibraires.fr

La peste écarlate de Jack London

Trois (nouvelles) pour le prix d’un! C’est Jack London: c’est viril, c’est hostile, c’est bourru, c’est au grand air par tous les temps, et c’est magnifiquement écrit. Qu’a-t-on au menu?
La peste écarlate. La peste écarlate décime tout, replongeant la poignée de survivants dans une nouvelle ère primitive. Récit post-apocalyptique avec une touche humaniste, insistant sur l’aspect cyclique de l’évolution, l’animalité de l’homme et l’humilité dont nous devrions faire preuve face à une nature qui triomphe toujours. Une forte impression d’être dans une machine à remonter le temps qui se serait détraquée: histoire d’un futur imaginaire d’au-delà d’une année 2013 fictive inventée par un auteur du 19è siècle (vous suivez?). C’est presque attendrissant de voir comme l’auteur s’est planté dans son exercice de divination (New York et Londres en plus grandes villes du monde du 21e siècle, le télégraphe et le dirigeable en outils modernes) et à quel point il a vu juste avec son histoire de virus qui change la face du monde. Construire un feu. Toujours mon don pour lire des trucs de saison: un rude homme comme on n’en fait plus affronte seul le froid polaire de l’hiver arctique. L’environnement extrême, les grands froids, l’erreur d’un instant qui en devient fatale, c’est tellement Jack London tout ça. Comment disparut Marc O’Brien. Un aperçu de l’humour (mâle) de London à base d’une bande de durs partis chercher des filons d’or dans des terres sauvages et qui tiennent visiblement pas l’alcool.

Livre: Le Journal d'une femme de chambre, Octave Mirbeau, Folio, Folio  classique, 9782070375363 - Leslibraires.fr

Journal d’une femme de chambre d’Octave Mirbeau

Mirbeau étant du genre libertaire par qui le scandale arrive, on ne tombe pas de sa chaise de surprise en découvrant la fameuse femme de chambre: Célestine a compris comment fonctionne le système et joue le jeu sans en être sa dupe. Elle se fait la porte-parole des classes sociales modestes et soumises. C’est un bulldozer qui défonce les portes des salons privés pour exposer les classes aisées vicieuses, mauvaises, avares, vaines, indécentes, sans âme (oui, j’ai du vocabulaire) qui prétendent inspirer le respect par leur fortune ou leur rang. « Malgré les parfums, ça ne sent pas bon ». Vertu et respectabilité en prennent un coup. Alternant situation présente et souvenirs passés, Célestine dresse un tableau pas bien reluisant des faux-semblants dont se parent les classes aisées. C’en serait presque comique s’il n’y avait pas des passages carrément révoltants. Par l’époque de publication et le thème central, je craignais le style lourd (c’est mon premier Mirbeau) et le ton geignard. Au final le phrasé date un peu mais pas tant que ça, et reste très vivant. Quant au propos, il n’a pas pris une ride. Toujours est-il que j’aurais bien taillé une bavette avec cette femme de chambre qui n’a pas la langue dans sa poche.

Livre: La dame en blanc , roman, Wilkie Collins, Libretto, Littérature  étrangère, 9782369145059 - Leslibraires.fr

La dame en blanc de Wilkie Collins

Qui est-elle, cette dame tout de blanc vêtue? Dangereuse folle alliée échappée d’un asile ou gentille victime en sachant trop long? Le suspense est insidieux (un peu à la Rebecca de Du Maurier), le mal dort sous son propre toit, dans le cœur d’êtres retors planqués derrière leur masque de vertu. Y a pas à dire, l’intrigue capte bien le lecteur. Je dois être une grande sensible, parce que je suis un peu triste pour ce roman: c’est ZE pionnier du livre policier, mais le filon (« mystère dans le grand manoir du 19è siècle à l’ambiance gothique, avec ses habitants qui n’ont pas l’air net ») a depuis été tellement repris qu’il se retrouve noyé parmi les autres. Du coup, le plaisir de la nouveauté est gâché et il ne méritait pas ça. Alors rend hommage à ce livre, lis-le et apprécie la plume du mec qui n’a pas copié sur les autres, lui.

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Kim Jiyoung, née en 1982 de Cho Nam-Joo

On a beau savoir que dans certains pays la condition des femmes n’est pas follichone (mignon euphémisme parce que sinon je vais pleurer), mais alors dans ce récit, la condition de la femme (l’universelle, celle qui transcende les frontières) elle te revient en pleine tronche avec toute sa violence silencieuse et les dégâts invisibles qu’elle peut causer. Pourtant le ton est doux(-amer), sans chouineries ni revendications brutales, les faits sont exposés clairement, sans fioritures, et parlent d’eux-mêmes. Il y a beau y avoir une note d’espoir, avec les mentalités qui évoluent et même un beau portrait de féministe sur le tard, dans l’ensemble c’est pas bien reluisant. Kim Jiyoung, c’est le symbole de toutes ces femmes qui s’abandonnent en cours de vie pour se fondre dans le moule bonne fille/bonne épouse/bonne mère et s’effacer face aux porteurs d’un service trois pièces entre les jambes. L’héroïne développe un trouble de la personnalité, métaphore des bouts de soi-même que la femme a tendance à laisser de côté (personnalité, passion, métier) pour les remplacer par de belles briques de convention sociale aptes à combler les failles de la famille et de la société. Au fil des pages, on découvre la vie de Kim Jiyoung, formatée dès l’enfance à subvenir aux besoins des mâles de la famille au détriment de sa propre personne. L’injustice d’une vie manquée, le refoulement de la jalousie, devoir toujours en faire trois fois plus pour gagner deux fois moins. Un bel aperçu de la vie de femme en Corée, et un peu ailleurs aussi.

Livre: Eleanor Oliphant va très bien, Gail Honeyman, Fleuve éditions,  9782265116511 - Leslibraires.fr

Eleanor Oliphant va très bien de Gail Honeyman

Elle le dit elle-même: Eleanor Oliphant est autosuffisante. Elle bosse, elle a son chez elle dans lequel aucune âme qui vive n’a le droit d’entrer (même le gars du compteur d’eau), elle s’alimente de denrées aptes à la garder en vie et descend deux bouteilles de vodka par weekend. C’est la règle. Un rien psychorigide, ascendant asociale, avec une intelligence hors norme. Un début rigolo, mais sous son air roman feel good le récit est plus profond qu’il n’y paraît. Car ce bouclier d’habitudes lui sert avant tout à se protéger d’un traumatisme passé que l’on découvre au fur et à mesure. Ne sortez pas votre tenue de spéléo, on ne sombre pas pour autant dans un gouffre de pathos. Au contraire: jamais Eleanor n’est réduite à un rôle de victime. Même, le récit tout en monologue intérieur la rend drôle malgré elle, à force d’intellectualiser le moindre truc et d’être constamment à côté de la plaque, ce qui est super rafraîchissant. D’autant plus que son train-train va dérailler quand son chemin croisera celui d’un chanteur de seconde zone et d’un collègue geek débraillé.

Livre: Libres ! / manifeste pour s'affranchir des diktats sexuels, Ovidie,  Delcourt, Tapas, 9782756096247 - Leslibraires.fr

 Libres! Manifeste pour s’affranchir des dikats sexuels d’Ovidie et Diglee

Sois ci, Sois ça, Soissons (rayez la mention inutile): j’accroche très peu aux propos féministes extrêmes qui remplacent les injonctions patriarcales par leur propre diktat du guide de la femme-émancipée-comme-il-se-doit. Pour mon plus grand bonheur, Ovidie et Diglee ne cherchent pas à rajouter de l’huile sur le feu du barbecue (« casser une norme pour en imposer une nouvelle n’est jamais libérateur »). Le mot d’ordre ici est: tu as le choix (bord***!), prend conscience que tes automatismes viennent peut-être bien de normes pas si naturelles que ça, fais en fonction de ce qui te correspond et RESPECT comme dirait Aretha. Bref, t’as le droit d’endosser les clichés si tu kiffes, t’as aussi le droit de les retourner comme une culotte quand t’en n’as pas d’autre de rechange. Cette philosophie de « tu as un cerveau, utilise-le pour prendre tes propres décisions » me parle. Partagé en divers thèmes, le texte est à chaque fois concis, avec une langue déliée, moderne, sans tabou et trouve un bel équilibre avec les illustrations drôles et révélatrices en forme de BD.

Saga - Tonino Benacquista - Babelio

Saga de Tonino Benacquista

Quand une bande de scénaristes sur le carreau se retrouve à bosser ensemble pour pondre une série tv destinée à être diffusée au beau milieu de la nuit et qui, contre toute attente, trouve son public (pas la peine d’être devin pour le voir venir. Quel auteur parviendrait à broder 500 pages sur des scénaristes has been?). Mais le succès peut être un piège et l’engrenage se met en branle. Aussi, quand les 4 scénaristes délicieusement insolents se voient dépossédés d’une Saga promise à passer au rouleau compresseur du polissage, style propagande d’État, ça se rebelle! C’était sans compter le pouvoir d’identification du petit écran… Au cœur de la sitcom fictive comme dans ce roman bien réel, ça part en cacahuète. Si la première moitié, fraîche, fluide, drôle (pas de quoi se fêler une côte mais la trame « bande de créas lâchés en pleine nature » est sympa), reste ancrée dans le réel, la seconde, moins vraisemblable, s’essouffle. On n’est clairement pas dans la dénonciation du côté obscur des médias et de la précarité des intermittents: si vous cherchez une bonne lecture de plage pour cet été, allez-y.

Livre: Le Bouc émissaire, roman, Daphné Du Maurier, Le Livre de Poche,  Littérature & Documents, 9782253176701 - Leslibraires.fr

Le bouc émissaire de Daphné du Maurier

Je choisis rarement un livre sans l’avoir passé au crible de la 4è de couverture et d’une analyse croisée des commentaires du net (moi, cinglée?) mais Daphné du Maurier, j’y vais les yeux fermés. Parce qu’avant moi un certain Hitchcock avait déjà repéré son talent. Parce qu’en 3 livres elle ne m’a encore jamais déçue. Parce qu’avant d’être une histoire, c’est aussi un style où l’atmosphère oppressante tient le premier rôle. Ici, ça n’a pas raté. John et Jean, deux faces d’une même vie, l’Anglais seul et modeste, le Français riche et entouré. Lorsque les deux faces se rencontrent et s’inversent, John endosse contre son gré l’identité de Jean. Mais passé le moment d’impunité de faire toutes les folies au nom d’un autre, la farce se fait dangereuse. Les répercussions du mensonge sont véritables. John, c’est le pendant de Rebecca: une bonne âme, perdue dans un milieu inconnu dont les secrets pèsent lourds. D’ailleurs, sur le podium des meilleurs écrits de Du Maurier, je place sans hésiter Le bouc émissaire sur la première marche au côté de Rebecca.

L'amie prodigieuse - Elena Ferrante - Gallimard - Grand format - Place des  Libraires

L’amie prodigieuse d’Elena Ferrante

Je suis tombée dans le piège de l’attente démesurée. Ce n’est vraiment pas nul, mais c’est loin du bouleversant phénomène littéraire que j’espérais. Ca se lit bien, mais le style ne nous tire pas des larmes par sa beauté. Gros point positif: la description d’un quartier miséreux du Naples des années 50, où tout n’est que violence et guerre intestines. Les familles sont malveillantes, les jalousies sont féroces, les vengeances sont brutales, les mots sont durs, les trafics sont nombreux, les hommes sont machos. Dans les quartiers mal famés de Naples, on est pauvre de cœur et pauvre d’argent. Et j’ai aussi aimé le parallélisme des deux parcours distincts, entre celle qui accède à des études inespérées et celle qui doit se cantonner à son chemin tout tracé par des siècles de tradition patriarcale, les deux aspirant chacune à ce que l’autre possède et se créant respectivement une amie « prodigieuse ». Les commentaires lus par-ci par-là ne mentionnent pas le double sens de prodigieux (« capable de prodiges par son intelligence ») qui pourtant se devine facilement, et n’insistent que sur la belle amitié de deux amies d’enfance. Je me suis peut-être fourvoyée, mais j’attendais une touchante histoire de sororité et j’ai découvert une amitié déséquilibrée par le rôle dominant de l’une sur l’autre, la narratrice se définissant constamment à travers cette espèce d’idole qu’elle s’invente, jalouse et surpasse tour à tour. C’est pas mal de trouver autre chose qu’une franche camaraderie sans nuage, mais posé à plat, et écrit de manière à ne jamais susciter l’empathie envers les deux fillettes (je me suis sentie impliquée à peu près autant que quand une mamie me raconte la grossesse de sa bru, à l’arrêt de bus), ça rend cette amitié toxique. Au final je n’en tire ni plaisir, ni déplaisir.

Livre: Au prochain arrêt, Hiro Arikawa, Actes Sud, Romans, Nouvelles,  9782330150129 - Leslibraires.fr

Au prochain arrêt de Hiro Arikawa

Une petite perle, comme à chaque fois que je me lance dans un livre japonais. Toujours des perspectives nouvelles (« Le héros de ce roman est la ligne Hankyū Imazu, l’une des moins connues du réseau Hankyū »), de la tranche de vie joliment décrite, épurée, raffinée, même dans son quotidien le plus…quotidien. Au rythme des arrêts, toute une galerie d’usagers de la ligne se croise, se frôle, se parle parfois. Les montées et descentes des uns et des autres provoque un effet domino, mais des dominos disposés en rond car le récit, divisé en deux parties (l’aller…puis le retour, 6 mois plus tard), s’attache à creuser chaque personnage, un morceau de leur vie et leur influence sur les autres. J’ai aimé ce stratagème d’utiliser un voyage en train comme excuse pour offrir un aperçu du Japon et de ses habitants, comme à travers la vitre d’un wagon. A défaut de partir en vacances…

Ratatouille ordonnée de…

… Mes bouquinages

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Xinran: Baguettes chinoises

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… Mes voyages

Un volcan d’amour pour l’Auvergne

J’aime les vaches (Et le Pulitzer de la phrase d’accroche est attribué à…). Il y en a qui ressentent l’appel de la mer et vont en Bretagne, moi je ressens l’appel de la vache et je vais en Auvergne.

A ce nom d’Auvergne, le ventre crie « aligot », les yeux revoient défiler les paysages, le cerveau du littéraire intello a envie de relire Astérix et le bouclier arverne (ben quoi ?)

En Auvergne, on prend de la hauteur

Sommet du Puy de Dôme ou du Puy Mary, plateau de Gergovie (1-0 pour Vercingétorix), château de Murol (majestueuse ruine, avec ses étendards qui claquent du haut de son promontoire et ses fauconniers et comédiens qui vous font revivre le quotidien d’autrefois) : la vue est toujours dégagée !

Mais parfois la surprise n’est pas tant au sommet qu’à l’intérieur. S’impose alors une petite visite aux grottes de Jonas (cité troglodyte) à Saint-Pierre-Colamine et au volcan à ciel ouvert de Lemptégy (qu’on préfère éteint, tant qu’à faire. Visite ultra intéressante, contrairement à Vulcania, trop propre sur lui et trop artificiel à mon goût, avec son nom d’épouse du capitaine Spock. Les énormes blocs de roches retrouvés à plusieurs kilomètres du lieu suffisent pour se rendre compte de la puissance d’une explosion de lave.)

En Auvergne, on communie avec la nature

Certes, on ne peut pas rater les volcans, mais l’Auvergne c’est aussi de l’eau. Et c’est pas Volvic (intéressante visite de l’espace information d’ailleurs) qui dira le contraire. Entre les lacs (les badass d’origine volcanique comme Pavin ou Chambon, ou Aydat, le plus grand de la région), les sources (très jolie balade en forêt à la découverte de la source de la Jordanne), les cascades (celle de Voissières mais surtout celle de Salins derrière laquelle il est possible de se faufiler), l’impressionnant viaduc de Garabit et le barrage de Grandval, le glouglou de l’eau n’est jamais loin.

En Auvergne, on… ben on habite

Parce que oui, les paysages sont grandioses, mais il y aussi des villes avec des vrais gens qui y vivent. Au cours de ma tournée triomphale dans la région, je suis passée par Chaudes-Aigues (et sa source du Par naturellement à 82°), Issoire (les jolies maisons colorées, son église imposante, sa tour de l’horloge qui offre une vue imprenable), Saint-Flour (ambiance gothique, Jésus-Noir et légende de la main de Saint-Flour compris. Tellement beau), Murat (pure cité médiévale), Saint-Floret (classé « un des plus beaux villages de France), Saint-Nectaire (où curieusement on s’extasie plus sur la magnifique basilique entièrement blanche que sur les fromageries), Clermond-Ferrant (je ne me prononce pas, je n’ai fait qu’un passage éclair pour visiter la cathédrale) et Salers (retenez ce nom : les maisons anciennes en pierre, la saucisse, les vaches : tout ce qui s’appelle Salers vaut le coup !) : absolument aucun de ces endroits ne m’a déçue et chacun a son caractère propre.

En Auvergne, on mange bien

Et là je pense que je touche la corde sensible de tout le monde. Quand je débarque quelque part, je découvre d’abord et avant tout avec mon estomac. L’Auvergne, c’est une valeur sûre : les saucisses, comme je disais plus haut, mais accompagnées d’aligot, la truffade, la gentiane, le punti aux pruneaux et le fromage, non mais LE FROMAGE ! Cantal, fourme d’ambert, Saint-Nectaire : si, comme chez moi, ces noms sonnent à vos oreilles comme une douce poésie, la visite d’une fromagerie s’impose. J’ai d’ailleurs percé le secret du saint-nectaire au cours d’une superbe visite guidée à La Pouzière.

Alors efface-moi de ce visage ce désespoir de ne pas pouvoir partir à l’autre bout du monde cette année sous peine de revenir en toussant comme un tuberculeux du 19è siècle et dis-toi qu’il n’y a pas besoin d’aller bien loin pour en avoir plein la panse et les mirettes!

Arabir!*

[Cet article est sponsorisé par les fréquents arrêts pour aller caresser les vaches. Je ne parle que de ce que j’ai vu et appris sur place, avec toutes les lacunes et les erreurs que cela peut comporter. N’étant pas docteur ès instagram option filtres et retouches, mes photos ne sont pas de la meilleure qualité. Je le sais et je le vis très bien.]

« au revoir » en patois auvergnat. A ce qu’on m’a dit…

Bric-à-brac lectures, mai 2021

En mai, j’ai lu ce qui me plaisait (Ou pas. Ou bof)

Brocéliande par Jean-Louis Fetjaine | Littérature | Fantastique/SF/Horreur  | Leslibraires.ca

Brocéliande de Jean-Louis Fetjaine

Suite et fin du Pas de Merlin (toujours mieux de lire les deux pour avoir l’histoire complète). Fantasy historique. Autant le premier tome était plus historique que fantasy, autant celui-ci est plus fantasy que historique. Certes, on retrouve cette ratatouille de clans, de batailles et de noms-qui-défient-la-raison propre à l’Angleterre et à la Bretagne pré-moyennageuses (et dont l’auteur arrive à nous démêler les fils avec brio), mais l’accent est mis davantage sur la quête de ses origines au cœur de la forêt de Brocéliande par Merlin. Aimant plus le pan historique que l’imaginaire fantasy, j’avoue avoir préféré le tome 1, même si la sympathie que Merlin et le père Blaise m’ont inspirée (malgré la persistance rétinienne des acteurs de Kaamelott qui n’ont rien à voir avec la vision de Fetjaine) m’a fait apprécier la lecture. En somme: contente de l’avoir lu mais je n’approfondirai pas les livres de ce monsieur.

Kitchen de Banana Yoshimoto - Poche - Livre - Decitre

Kitchen de Banana Yoshimoto (suivi de Moonlight shadow)

Décidément, le Japon est une mine de lectures extra-ordinaires: après le fameux Auprès de moi toujours de Kazuo Ishiguro adapté au cinéma (est-ce une manière détournée de vous inciter à le lire? oui), La formule préférée du professeur de Yoko Ogawa centré sur un mathématicien sans mémoire (est-ce une manière détournée de vous inciter à le lire? oui) ou L’annulaire, nouvelle quasi fétichiste, de la même autrice (est-ce…), c’est de nouveau le jackpot avec l’histoire de Mikage, jeune femme douce et décalée qui doit faire face à la mort des gens auxquels elle tient le plus (parents partis trop tôt, grands-parents aimants, puis Eriko, transexuelle au grand coeur l’ayant recueillie) et qui trouve son salut en cuisine. Idem pour Satsuki, l’héroïne de la nouvelle Moonlight shadow, qui tente de survivre au décès de son petit-ami avec l’aide de son beau-frère, qui lui-même s’habille avec les vêtements de sa propre petite-amie décédée. Rien de lugubre, juste des gens qui font ce qu’ils peuvent pour sortir la tête de leur cauchemar, la sensibilité de l’autrice a tôt fait de transformer ces deux tristes nouvelles en bouffées d’espoir. Histoires de deuil un peu contemplatives, beaucoup introspectives, passionnément résilientes. Comme aux fourneaux, l’autrice a su mettre sur la balance de cuisine la juste dose entre le trop et le trop peu du discours. Très belle découverte.

Livre : L'anomalie écrit par Hervé Le Tellier - Gallimard

L’anomalie de Hervé Le Tellier

Vous savez comme souvent les séries tv françaises font pâle figure à côté des séries américaines? Ici, c’est pareil: un bon potentiel de page turner mais avec un goût d’artificiel et de forcé trop prononcé, comme les rires préenregistrés dans les épisodes jeunesse d’AB Productions, dans les années 90. Malgré son Goncourt étalé tout partout sur la couverture, je lui ai trouvé trop de défauts. Le premier tiers du livre n’est qu’un catalogage de personnages aux profils variés avec pour seul fil rouge piquant un peu la curiosité le fait qu’ils aient partagé un vol commun mouvementé (Pas la peine de s’attacher à eux: ils n’auront droit chacun qu’à 2 ou 3 chapitres tout au plus). On finit par se lasser des présentations et à s’ennuyer d’attendre une révélation qui ne vient pas. Quand celle-ci arrive, la porte s’ouvre sur de la science-fiction. Soit. Mais l’auteur en fait trop, de nouveau: une science-fiction qui frôle l’absurde, du tacle politique à grosses ficelles, trop de personnages, trop de longueurs qui n’ont l’air d’être là que pour que l’auteur étale sa science en nous bombardant de citations et de références. N’est pas Umberto Eco qui veut, dans le genre érudit-philosophe; comme son double fictif dans le récit, Hervé Le Tellier se démène beaucoup pour un résultat bien sans plus. Moins de personnages et des vies plus creusées dans « l’après phénomène » aurait peut-être sauvé l’ensemble, qui sait. Bref, ça se lit par curiosité, mais ne vous laissez pas avoir par le phare du Goncourt qui clignote au loin…

Livre : Pierre et Jean écrit par Guy de Maupassant - Le Livre de poche

Pierre et Jean de Guy de Maupassant

Instant psy: j’ai vécu un traumatisme au collège en lisant Boule de suif. Hypocrisie, bassesse, dédain des personnages: une vision de l’humanité que la petite jeunette que j’étais n’était pas prête à encaisser. Alors je me suis cantonnée aux écrits fantastiques de Maupassant. Depuis, j’ai eu le temps de me faire une idée sur pièce de mes congénères et il était temps que j’en fasse de même avec les autres écrits du monsieur. Qu’avons-nous là? De la jalousie fraternelle, du « il en a plus que moi c’est pas juste » version grands garçons. Maupassant construit volontairement deux frères que tout oppose, du physique au tempérament, les place en situation de déséquilibre (un des frères fait un héritage) et s’amuse à disséquer l’état d’esprit du laissé pour compte. Désœuvrement, espérances déçues, colère, soupçons, haine, cruauté, désespoir: un crescendo de la gamme de la jalousie finement mené, et toujours dans le cadre d’une Normandie du 19e siècle que Maupassant décrit si bien. Guy et moi, on n’a plus besoin de se faire des frissons pour s’apprécier.

Les secrets - Andrus Kivirähk, Clara Audureau - Le Tripode - Grand format -  Place des Libraires

Les secrets de Andrus Kivirähk

Petite bulle poétique estonienne. C’est en découvrant au fil des pages des illustrations aux traits enfantins lors de mon premier contact avec le livre que j’ai compris qu’il s’agissait d’un roman jeunesse (je ne m’étais pas méfiée, les autres écrits du monsieur sont à destination des adultes, et tout aussi excellents). Malgré ce détail, je peux vous dire que j’ai aimé retrouver l’imaginaire débridé de Kivirähk. Dans ce livre, adultes et enfants plongent chacun à sa manière dans son propre monde: pays merveilleux truffés d’animaux à sauver, ciel empli de nuages-ballerines, stade où briller comme un champion, château de reine, vie sous-marine… Finalement, seul le ronchonchon monsieur Mouton sans imagination en pâtit dans cette histoire. Une belle métaphore de l’imagination à cultiver et des jardins secrets à entretenir. Pour qui a plus de 10 ans et veut découvrir cet auteur, je conseillerais néanmoins plutôt L’homme qui savait la langue des serpents pour un premier contact.

Amazon.fr - Bouvard et Pécuchet - Flaubert, Gustave - Livres

Bouvard et Pécuchet de Gustave Flaubert

Pour une fois que je lis du Flaubert, il fallait que je jette mon dévolu sur celui qui n’est pas fini (mais peut-on en vouloir à quelqu’un qui ne finit pas son travail parce qu’il est mort? Vous avez 3h, calculatrice et pendule de newton interdits. A sa décharge, Flaubert avait quand-même laissé une ébauche de scenario qui révélait son grand final). Flaubert se moque de la vanité humaine par une belle satire des hommes qui se croient plus savants que les savants après 2 lectures sur le sujet. Il aurait pu tomber dans le poncif moralisateur, mais son génie réside dans le choix de ses personnages principaux, Bouvard et Pécuchet, deux messieurs d’un certain âge copains comme cochon qui sont l’incarnation même de la bonne intention: ils veulent tout apprendre, tout connaître. Alors ils lisent, ils expérimentent; agriculture, médecine, religion, archéologie, philosophie, linguistique… tout y passe. En soi, c’est louable. Mais parfois l’intention ne suffit pas, et les deux compères qui n’ont pas les épaules pour et ne doutent de rien, vont d’échec en échec. Fiers et ridicules, nos deux héros apportent une touche comique à l’ensemble. Quant au pan stylistique, la lecture est fluide, on lève les yeux au ciel en lisant les péripéties des personnages, on aime se moquer d’eux, même si au fond on sait que parfois on est un peu pareil. J’ai apprécié la forme de « petit dico des savoirs du 19e siècle » que prend ce roman, autant dans le propos que dans les intéressantes notes de bas de page de mon édition (en me gardant bien de me croire spécialiste de la chose…) mais comme à chaque fois avec Flaubert, l’écriture ne capte pas totalement mon intérêt. Je n’ai pas ressenti le frétillement d’impatience de reprendre ma lecture après une pause. Ceci ne concernant que moi, je vous encourage quand-même à le tenter!

Le mystère d'Edwin Drood | Lisez!

Le mystère d’Edwin Drood de Charles Dickens

Décidément, je suis abonnée, parce que là encore on nage en plein mystère, c’est le mot, vu que Dickens aussi a eu la mauvaise idée de mourir avant de terminer son feuilleton. Et même pas un p’tit indice sur le dénouement qu’il avait prévu (conclusion: Flaubert était plus prévoyant que Dickens). Une bonne âme (le traducteur) a essayé d’avancer une piste en fin d’ouvrage, mais bon, c’est pas du cru (même si je lui reconnais le mérite d’avoir sacrément bien imité la plume de l’original). C’est bête: pile poil au moment où Dickens s’essayait à un nouveau genre: jeu de chaises musicales amoureux, soupçon de meurtre, disparition inexpliquée. Le « style Dickens » reste quand-même bien palpable: atmosphère feutrée de l’Angleterre du 19e, personnages bien campés et critique de la société à travers les haut-placés qui en prennent pour leur grade. Par contre, pas de fresque historique avec personnages à foison éclatés sur le territoire: ici, le nombre restreint de personnages se concentre dans une petite ville qui ne paie pas de mine, avant que l’action ne se transporte tout entière à Londres. Mis à part le détail du dénouement que l’on ne peut pas vraiment reprocher à l’auteur, c’était malgré tout bien sympa de ne pas retrouver l’auteur exactement là où on l’attendait.

Livre : Le colonel Chabert écrit par Honoré de Balzac - Pocket

Le colonel Chabert de Honoré de Balzac

La plus magistrale dégringolade sociale que j’ai eu l’occasion de lire. Un poissard comme on n’en fait plus, le colonel! Laissé pour mort dans un charnier lors d’une guerre napoléonienne, sa véritable bataille se déroulera contre la société. « Ressuscité » après de longs mois de convalescence, il découvre que sa vie ne lui appartient plus: sa femme s’est remariée et dispose à sa guise des biens hérités de son « défunt » mari. Comment alors récupérer sa vie d’antan? Critique de l’implacable système judiciaire, critique de la haute société où tous les coups sont permis pour se faire sa place au soleil, c’est cynique et dramatique, la bonté et la gentillesse étant impitoyablement broyées. La condition humaine dans toute sa splendeur.

Livre : Le seigneur des anneaux écrit par John Ronald Reuel Tolkien - Pocket

Le Seigneurs des anneaux de J.R.R. tolkien

Bravoure et testostérone. Lis l’avis de Moi, fille de Mon Père, reine du Royaume à l’Est du Périph’ (si t’es pas un initié, tu peux pas comprendre). Enfin le courage m’est venu de lire ce pavé aussi haut que la tour d’Isengard (et même pas un vieux barbu pour m’y pousser, notez bien). Originalité de l’histoire et fluidité de l’écriture à la puissance 1000! Douze ans de dur labeur pour que Tolkien crée ce beau bébé de 1500 pages. Ca valait le coup de suer: un univers élaboré au cordeau, avec un tissage complexe de liens entre différentes races et un passé réfléchi sur des millénaires; le sens du détail à son paroxysme (je ne reviens pas sur les systèmes linguistiques mis sur pied de a à z par Tolkien); et du suspense à son comble, des personnages tous intéressants à leur manière (contrairement au Frodon mou du genou des films) qui évoluent dans des décors grandioses décrits à la perfection. Malgré un monde peuplé d’orques, d’uruks et autres bestiaux vaguement humains, Le Seigneur des anneaux ne se lit pas en gardant conscience d’être avachi dans son fauteuil. Que nenni: on s’immerge, on s’attache aux stresse pour les personnages, on plonge tête la première dans cette Terre du Milieu que le format roman-fleuve nous laisse le temps de considérer comme notre chez nous. D’aucuns bouderaient la modification, dans la traduction de Daniel Lauzon, de certains noms propres presque passés au patrimoine de l’humanité (foin de « mon précieuuuux » et de Saquet. Ici c’est « trésor » et Bessac), perso j’ai réussi à passer outre sans mal. Et la snobinarde qui clame toujours haut et fort que « les livres, c’est têêêêllement mieux » avec un petit air suffisant? Elle en dit quoi la snobinarde? Et bien la snobinarde ferme son clapet: à quelques omissions et raccourcis près, les films respectent totalement les livres (il faut dire qu’avec une trilogie qui te remplit tes soirées sur 2 semaines, Peter Jackson pouvait se permettre d’être fidèle aux détails) mais il n’empêche (relou en approche) que le point de vue omniscient du narrateur permet une bien meilleure compréhension des personnages et que même si les effets visuels sont parfaitement réussis, s’immerger à son rythme à la lecture des descriptions de Tolkien reste incomparable. Non, en fait: TOLKIEN est incomparable.

Livre: Malamute, Roman, Jean-Paul Didierlaurent, Au Diable Vauvert,  Litterature Gen, 9791030704198 - Leslibraires.fr

Malamute de Jean-Paul Didierlaurent

(gracieusement offert par babelio). On lit deux romans d’un auteur (Le liseur du 6h27 et Le reste de leur vie), et on croit le connaître. Son écriture, avec son sens de la formule, ses métaphores bien trouvées, sa justesse dans la description des petits riens du quotidien et son verre à moitié plein, qui fait dire que oui, la vie est dure parfois mais on peut y trouver de la pépite de bonheur par-ci par-là. Bref, je croyais connaître ses romans, réconfortants comme une brioche sortie du four. Et là paraît Malamute. Le réchauffé, il ne connaît pas, le Jean-Paul: il m’a bien prise à rebrousse-poil (de chien)! On retrouve la joliesse (oui, la joliesse: j’avais envie d’écrire ce mot, laissez-moi) de son style, mais la bienveillance a été remisée au placard. Roman noir pour paysage immaculé. Telle une boule de neige qui roule et grossit, le récit va en s’assombrissant. Huis clos entre un vieil homme au lourd secret, une jeune femme en quête de ses origines et un jeune homme qui se reconstruit après un drame: trois âmes solitaires dont le sombre fil qui les unit va se faire jour au fur à mesure du récit et des pages d’un ancien journal intime. Le tout sur fond de blizzard vosgien quasi surnaturel et avec l’ombre d’une bête mi-loup, mi-malamute (et re-mi-loup derrière. Vous avez la référence?) Je n’attendais pas cet auteur sur ce terrain (enneigé). Une vraie belle lecture, d’un auteur qui sait se renouveler. 

That’s all Folks!

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