La ferme africaine

Autrice: Karen Blixen

Traducteur: Alain Gnaedig

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Mon premier contact avec ce livre fut une douche froide: dans l’avant-propos, l’éditeur rappelle que l’autrice a écrit ce livre au début du XXe siècle, et qu’il ne faut par conséquent pas être choqué de certains termes employés (nègres, mes gens…) Bref, un pavé de 500 pages aux sous-entendus malsains. Chouette. Il n’en est rien. Bien sûr, à notre époque l’autrice opterait pour d’autres termes, mais la lecture nous fait bien sentir que son choix de mot ne traduit pas un sentiment de supériorité de sa part vis-à-vis des Noirs qui l’entourent, du fait de sa peau blanche. Nègre n’est clairement pas connoté négativement dans cet ouvrage. Je ne peux pas nier que, baignée par les questions très contemporaines de racisme en Europe, cet ouvrage rédigé il y a un siècle m’a placée face à une manière d’envisager les différences entre peuples de manière inattendue. On sent dans ses paroles un très léger relent d’esclavage, de Noirs qui se font battre parfois par leur maître blanc même si ça ne semble plus être la norme de l’époque, au détour d’une phrase on peut sentir que l’autrice se laisse aller à quelques préjugés et parfois à une petite condescendance. Disons qu’elle place dans la tête des gens des pensées qu’ils n’ont pas forcément (mais ce n’est pas propre aux Noirs, elle fait la même chose dans le cas d’un petit garçon sourd-muet), peut-être est-ce à mettre sur le compte d’une manière d’écrire, d’une autobiographie, certes, mais romancée? Toutefois, dans l’ensemble, c’est du respect et de l’amour pour des peuples qu’elle ne voulait pas quitter qui transparaît.

J’en veux pour preuve que son livre est une véritable déclaration d’amour à l’Afrique et à ses peuples.

J’ai craint que l’histoire ne soit trop centrée sur la production de café (organisation des transports, compta, ventes, tout ça) mais pas du tout. La ferme est immense, compte sa demeure mais aussi toutes celles des gens qui vivent sur et de son exploitation: c’est la vie d’un village qu’elle raconte, avec ses personnages, son organisation, ses drames, ses petits événements qui sortent de la routine. C’est un livre « tranche de vie » dans laquelle il s’est passé mille choses qui apportent autant une touche de suspense (qu’est-il devenu? que s’est-il passé ensuite?) qu’un intérêt anthropologique (par le truchement d’un événement on découvre les us et coutumes des peuples, leurs inimitiés, leur justice, etc.). Passionnant.

L’écriture est belle et fluide, ça coule, ça coule, les pages se tournent et on ne s’en rend pas compte. L’Afrique n’est pas un continent qui me fait rêver plus que cela et pourtant la façon dont elle la dépeint, les paysages, la nature, les gens, tout une aura, m’a vraiment touchée.

Autre point qui m’a déstabilisée: j’ai un avis bien tranché sur la chasse et la condition animale et là encore, la vision des choses de l’autrice ébranle mon opinion (trop « eurocentrée », j’ai envie de dire): autant l’autrice s’émeut de voir des animaux dans des cages embarqués dans des cargos à destination de ménageries européennes, ou se prend d’affection pour un bébé antilope au point de l’adopter, autant elle n’a aucune mauvaise conscience à pratiquer la chasse. Heurtée au début, j’ai fini par ressentir le côté « utilitaire », presque obligatoire d’une telle pratique (en Afrique, je précise). En Afrique (je le répète), on tue l’animal pour se défendre, pour défendre son troupeau ou pour se nourrir, tout simplement. La chasse y relève de la survie. Néanmoins, les parties relatant les safaris, où l’on tue en vue de se servir de la dépouille autant et surtout que par « jeu », ne m’ont pas réconciliée avec cette pratique.

Un gros gros coup de coeur pour ce livre.

2 réflexions sur « La ferme africaine »

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